Chapitre 5 - Cracher le morceau

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Dans l'après-midi, le général Bellhaie convoqua ses meilleurs éléments : le colonel Jonathan Filips, le lieutenant Amanda Siler accompagnée de son mari le docteur Daniel Siler ainsi que le docteur Annette Foreman. A eux quatre, ils formaient une équipe solide qui s'était jusqu'à présent toujours occupée des problèmes d'espionnage et de fuites. Ils s'étaient réunis à quatorze heures dans la salle de réunion. C'était la deuxième fois cette année qu'un espion avait été capturé dans leurs rangs, et le mois de janvier ne faisait pourtant que commencer.

Cette fois, le général laissait à Jonathan et Amanda le soin de cuisiner un peu le prisonnier. Une fois ses ordres reçus, la jeune femme embrassa affectueusement son époux avant de suivre le colonel Filips dans le couloir.

Dans un passé pas si lointain, Jonathan avait lui aussi partagé quelques semaines d'un amour passionnel avec la jeune femme, ce qui expliquait aisément pourquoi il n'appréciait guère l'union de la belle avec Daniel. Il refusait toutefois d'admettre qu'Amanda s'était servie de lui et l'avait fréquenté uniquement dans le but d'oublier ses déboires passagers avec celui qui n'était alors que son fiancé.

Les amoureux s'étaient finalement réconciliés et Jonathan avait dû s'effacer quand ils avaient prononcé leurs vœux de mariage. Il avait beaucoup souffert de cela et en voulait encore terriblement à la jeune femme, mais ses sentiments envers elle étaient restés présents malgré tout. Le seul plaisir qui lui restait résidait dans leurs multiples chamailleries et divergences d'opinion. Ils se chicanaient quotidiennement et se lançaient dans des joutes verbales animées, cela faisait partie intégrante de leur amitié et c'en était probablement même la base.

— Je marcherais encore plus lentement si j'étais toi, critiqua Amanda sarcastique.

— Pourquoi t'es si pressée ? T'as peur que Malone s'enfuie en rampant sous la porte ?

— Ne sois pas stupide. Oh pardon, j'oubliais que tu l'étais déjà, répliqua-t-elle avec hardiesse.

— Je te rappelle que c'est toi qui t'es présentée à la réunion de la semaine dernière avec un t-shirt à l'envers...

— Au moins j'y suis allée à cette réunion. Toi t'as pas été fichu de régler ton réveil correctement et t'es arrivé une demi-heure après la fin.

— Mais moi je... je... botta-t-il en touche.

Amanda soupira de lassitude, elle avait encore gagné l'un de leurs duels verbaux. Cette courte dispute avait pourtant rechargé les batteries du colonel qui devait s'avouer vaincu mais heureux. Cela prouvait qu'elle s'intéressait à lui et lui permettait de maintenir un espoir obstiné dans son cœur.

Le gardien les fit entrer dans la cellule. Malone était assis par terre, le visage partiellement dissimulé dans l'ombre du fond de la pièce. Amanda voulut s'approcher mais Jonathan la retint par le bras :

— Il a pas l'air net, se méfia-t-il.

— Toi non plus, rétorqua le lieutenant en récupérant son bras d'un mouvement brusque.

Elle alla s'asseoir sur le lit aux draps encore impeccables et s'adressa d'un ton neutre et détaché au prisonnier :

— Vous avez pété les plombs, sergent.

Aucune réponse ne se fit entendre.

— Vous avez le choix, soit vous me dites pourquoi et pour qui vous avez agi ainsi, soit le colonel se charge de vous faire cracher le morceau.

Jonathan remonta ses manches en bombant le torse. Il ne produisit pas réellement l'effet escompté mais Amanda tenta de rattraper le coup :

— Oui enfin, il doit aussi y avoir des types plus baraqués que lui dans cette base...

— ... Achevez-moi, implora Malone dans un murmure.

Amanda et Jonathan échangèrent un regard inquiet. La jeune femme s'apprêtait à poser des questions lorsque le prisonnier se releva et entreprit de faire les cent pas dans la petite pièce :

— Ils tueront ma famille, et moi ensuite.

— Qui sont ces gens ? s'enquit le colonel.

— C'est vous qui servez le mal, déclara l'homme sur un ton sentencieux.

Plus un son ne sortit de la bouche de Malone après cette allégation dogmatique. Les deux militaires durent se résoudre à abandonner l'interrogatoire faute de résultats concluants. Le prisonnier serait peut-être plus coopératif après quelques heures, voire quelques jours de captivité solitaire.



A Double Tranchant (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant