Chapitre 7 - Guet-apens

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Amanda se trouvait dans le laboratoire avec le docteur Annette Foreman. Les deux femmes analysaient le niveau de radioactivité de différents types d'armement récemment mis au point, et les résultats paraissaient corrects.

— C'est parfait ! s'exclama Annette, satisfaite.

— Ouais... soupira tristement Amanda.

— Ça n'a pas l'air de vous ravir. Quelque chose ne va pas ?

— Parfois je me demande pourquoi j'ai accepté ce travail. On élabore des armes plus dangereuses les unes que les autres et on ne sait même pas ce qu'elles deviennent hors du labo, à quoi elles servent...

— A éviter une troisième guerre mondiale.

— A l'éviter ou à la déclencher ? ... On vit constamment dans la crainte d'être découverts. Rien qu'en me promenant dans la rue je soupçonne tous les passants d'être des espions. En allant à la banque, j'ai peur qu'on me pose des questions sur l'origine suspecte de mon salaire alors qu'officiellement je ne suis employée nulle part...

— Pensez à la prime que vous toucherez lorsque vous partirez en retraite sous une nouvelle identité dans le pays que vous voudrez.

— Je crois que je regrette mon choix. Si je m'étais contentée de rester sergent dans l'armée régulière ma vie serait plus simple, plus normale.

— Mais il est trop tard, ils ne vous laisseront jamais vous en aller, pas avec toutes les informations que vous détenez.

— Je sais... soupira Amanda en se laissant tomber sur une chaise.

— Ecoutez, il faut que vous alliez prévenir le capitaine Bilware. Les analyses de l'arme sont terminées, il peut venir la tester avec son équipe dès qu'il en aura le temps.

— Je lui téléphonerai plus tard.

Le docteur Foreman lâcha un tube à essai qui se brisa en mille morceaux sur le sol. Par chance, il ne contenait aucun produit dangereux ou nuisible pour la santé. La femme fixa intensément sa collègue, interloquée, puis prit la parole :

— Téléphoner ?!

— Oui je... Oh, c'est vrai.

— Le général a dû nous faire la morale une bonne centaine de fois. Ne jamais utiliser le téléphone lorsque cela concerne...

— ... concerne la base, récita Amanda sur un ton las. Les espions sont capables de mettre toute la ville sur écoute et le premier qui néglige l'une de ces précautions sera la cible du prochain test d'armement.

— Vous voyez que vous connaissez la règle par cœur, plaisanta Annette.

Amanda se releva avec lenteur puis se dirigea vers sa chambre en traînant les pieds. Elle enfila des vêtements civils car le capitaine Bilware était actuellement en repos aux côtés de sa petite famille dans l'appartement qu'il occupait en ville. Le lieutenant allait devoir faire le déplacement.


Une demi-heure plus tard, la jeune femme démarrait le moteur de sa superbe décapotable vert métallisé. L'engin rugit comme un monstre puis s'élança sur le petit chemin de montagne accidenté et tortueux. En un quart d'heure elle fut arrivée dans la ruelle paisible où vivait le capitaine Bilware. Elle mit les clefs dans sa poche puis se dirigea vers l'immeuble à la peinture défraichie de l'autre côté de l'étroit passage.

Soudain, une main se posa sur son épaule. Elle voulut se retourner mais deux puissants bras l'en empêchèrent. Le froid d'une lame de couteau glissa sur son cou dénudé mais, malgré la terreur qui s'emparait d'elle, elle garda son calme comme on le lui avait appris à l'armée. Elle avait des sueurs froides dans le dos et des tremblements à peine perceptibles dans les jambes.

— Enfin sortie de ton trou Amanda ?

C'était une voix d'homme qui avait cependant un petit quelque chose de féminin. Elle était menaçante mais nerveuse, un peu sifflante, la voix d'un fou :

— Ça fait longtemps que je te surveille ma belle. Ton copain Malone a été bavard, et je connais aussi le nom de ton petit mari, Daniel, c'est ça ? Alors si toi et ce cher Danny vous voulez vivre, il va falloir me donner les renseignements que je veux.

La menace pesant sur son époux décupla les forces d'Amanda qui écrasa avec vigueur le pied de son agresseur puis recula lestement, face à lui cette fois, en position d'attaque les poings serrés à hauteur du visage.

L'homme avait de petits yeux bleus très rapprochés, un long nez osseux et de minces lèvres blafardes. Ses cheveux noirs, en bataille et légèrement bouclés, semblaient excessivement gras. Il était grand et maigre, pauvrement vêtu. Ses traits évoquaient clairement l'Italie.

— Enfuis-toi beauté, je ne te retiens pas. Mais je te retrouverai tôt ou tard, toi ou ton Danny.

— Tu n'en auras plus l'occasion quand tu seras derrière les barreaux.

— Si jamais ça finissait mal pour moi, ce qui n'arrivera pas, mes camarades prendront la relève. Le Maître a beaucoup de serviteurs, bien plus que tu ne peux l'imaginer. Il s'emparera bientôt de toutes les redoutables armes que vous avez eu la gentillesse de créer pour lui.

L'homme s'avança lentement vers Amanda en fouettant l'air de son couteau. Instinctivement, la jeune femme porta la main à sa cuisse, malheureusement, étant habillée en tenue civile, elle n'avait aucune arme sur elle.

L'Italien avança encore, et lorsqu'il fut suffisamment proche, elle envoya un coup de pied dans son bras. Le couteau tourbillonna dans les airs puis retomba dans une benne à ordures un peu plus loin. Immédiatement après, un poing s'abattit sur le visage de l'homme. Irrité, il attrapa le couvercle d'une poubelle derrière lui et frappa la jeune femme au flanc. Elle s'effondra dans une flaque d'eau boueuse puis il se jeta sur elle et les deux adversaires se battirent à genoux sur le sol en tombant tour à tour sous les coups de l'un puis de l'autre. Finalement, l'homme parvint à se relever le premier et roua de coups de pieds la pauvre femme trempée. Toutes ses forces l'avaient abandonnée et elle ne pouvait plus que subir, encaisser, abandonner.

En haut de l'immeuble, au dernier étage, une fenêtre s'ouvrit. Un homme se pencha et tenta de stopper la bagarre à sens unique qui se déroulait maintenant sous une pluie torrentielle :

— Arrêtez ou j'appelle la police !

La mise en garde eut de l'effet, l'Italien s'enfuit sans demander son reste. Il pouvait retrouver Amanda quand bon lui semblerait. De toute façon, il n'avait pas eu l'intention de la tuer, pas pour l'instant du moins.

La jeune femme allongée dans la boue ne bougeait plus. Celui qui lui avait sans doute sauvé la vie descendit alors dans la rue pour la rejoindre. Elle était inconsciente...



A Double Tranchant (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant