Chapitre 11 - Mise au point

196 18 5
                                    

Amanda était seule dans le laboratoire lorsque Jonathan vint la rejoindre. Il avait l'air extrêmement ennuyé et ne levait pas les yeux plus haut que ses chaussures usées. Les mains dans le dos, il s'approcha de la jeune femme.

— Qu'est-ce qu'il y a, Filips ? T'as la tête d'un môme qui a fait dans son pantalon.

Il ne répondit rien à cette invitation à la dispute, ce qui stupéfia sensiblement Amanda :

— Hé, c'est la première fois que tu ne m'envoies pas de vanne en retour. C'est pas normal ça. Quelque chose ne va pas ?

— Je voudrais que tu répondes à une simple question, une seule, toute petite. Sans te moquer et sans détourner le sujet.

— Je t'écoute, l'assura-t-elle, anxieuse et curieuse à la fois.

— ... Est-ce qu'il y a encore une chance entre nous deux ? lâcha-t-il dans un souffle, au bord de l'arrêt cardiaque.

Amanda cligna des yeux d'étonnement :

— Jonathan, ça n'a pas marché entre nous, pourquoi tu remets ça sur le tapis ?

— Je voulais en avoir le cœur net, c'est tout.

Amanda alla s'asseoir au bureau et reposa la tête sur la paume de sa main en poussant un long soupir de contrariété :

— Tu m'agaces. J'ai essayé d'être gentille avec toi mais tu ne veux pas comprendre que je ne t'ai jamais aimé.

— Tu mens.

Gênée, la jeune femme fit semblant d'être occupée à l'ordinateur, mais elle n'osa pas lui répondre.

— Tu mens, répéta Jonathan sur un ton plus ferme.

— Qu'est-ce que ça change si j'admets que j'étais dingue de toi pendant un moment ? C'était une faiblesse passagère, une erreur. Je n'ai pas su rester fidèle à Daniel par ta faute.

— Ça te rendrait plus humaine ne serait-ce que de te l'avouer à toi-même.

— Plus humaine ?! s'énerva-t-elle en se redressant. Alors ça c'est tout à fait toi de rejeter la faute sur les autres !

— Mais je ne rejette pas la faute sur toi. Tu interprètes toujours tout de travers. Je dis simplement que tu caches trop ce que tu ressens.

— Tu veux savoir ce que je ressens ? Eh bien je me demande comment j'ai pu être assez stupide pour m'enticher de toi. Et maintenant je te méprise à un point que tu ne peux même pas imaginer !

Elle le gifla puis quitta la pièce complètement désarçonnée.

— ... Bon au moins comme ça c'est clair, constata le colonel avec un haussement d'épaules philosophe.

Puis l'homme s'en alla à son tour.


* * * * * *


Pendant tout le restant de la journée, le colonel resta enfermé dans sa chambre à réfléchir à ce qu'il allait faire maintenant qu'il n'y avait plus aucun espoir pour lui de reconquérir Amanda. Dans la soirée, il se décida enfin. Ayant revêtu un costume seyant et une cravate, il alla frapper à la porte de Lisa qui l'accueillit en simple nuisette :

— Bonsoir, souffla-t-elle avec plus de froideur que d'habitude.

— Bonsoir, je me demandais si vous accepteriez de dîner avec moi, là, maintenant.

— ... Laissez-moi cinq minutes.

Et elle lui claqua la porte au nez. S'en suivit un barouf de tous les diables, la jeune femme mettait visiblement toute sa garde-robe sans dessus dessous. Finalement, exactement cinq minutes plus tard, elle réapparut dans une courte robe blanche laissant deviner par transparence ses affriolants sous-vêtements noirs. Elle affichait pourtant un air nonchalant. Moins intéressée. Plus distante. Mais toujours aussi belle. Elle avait, à la manière des anciennes égyptiennes, cerné ses yeux de noir. Ses lèvres pleines et rouges ne souriaient pas. Elle fusillait du regard l'homme fiévreux. Un véritable sosie de Cléopâtre, sublime, mystérieuse, observatrice.

Le colonel tenta de briser la glace en lui proposant son bras. Elle accepta par pure courtoisie mais cela n'entraîna aucun changement dans son comportement distant. Ils dînèrent dans le restaurant où ils étaient déjà allés deux jours plus tôt, Le Faisan. Cependant, la jeune femme ne provoqua pas Jonathan cette fois. Elle se comporta normalement. Non, pas normalement, ce mot ne signifiait rien pour elle. Elle ne faisait jamais rien comme les autres. Cette normalité n'était qu'un leurre, un rôle qu'elle jouait avec talent. Tout en elle bouillait d'impatience. Elle avait lentement tissé sa toile autour du colonel et il n'avait rien remarqué. Mais à présent il était fait comme un rat, elle le manipulait et il était aveuglé par son manège, c'était pourtant flagrant comme le nez au milieu de la figure. Mais ne dit-on pas que l'amour rend aveugle ?

— Je m'excuse encore une fois pour la scène à laquelle vous avez assisté aujourd'hui.

— Ce n'est pas grave, le rassura-t-elle en souriant.

Jonathan avait quelque chose à lui dire, quelque chose d'important. Il hésitait tout en se remémorant la conversation qu'il avait eue avec celle qui n'avait malheureusement pas encore entièrement déserté son cœur. Elle ne voulait plus de lui, la douce Amanda. Rien ne l'empêchait plus de céder aux avances de Lisa à présent, sauf peut-être la peur de cette jeune femme qui de toute évidence avait des choses à cacher. Elle avait quelque chose d'inexplicablement mystérieux et effrayant dans le regard, mais également dans son comportement. Il n'osa pas lui dire ce qu'il ressentait. Pas maintenant.



A Double Tranchant (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant