Deux semaines complètes s'écoulèrent. Pendant ce temps, l'OESA avait inspecté les moindres recoins de la base et s'était emparée de tout le matériel informatique, scientifique et militaire. Les dossiers furent épluchés dans le détail et les locaux investis, la base allait être réformée, un repère supplémentaire pour l'OESA. Les personnes qui n'avaient pas été tuées lors de l'attaque furent confiées au Maître. Peut-être allait-il les soudoyer afin qu'ils oublient les dernières années de leur vie. A moins qu'il ne les fasse taire d'une manière plus radicale et moins coûteuse. Il était également probable qu'on ferme les yeux sur leur passé et que les militaires soient réintégrés dans l'armée officielle, tandis que les scientifiques travailleraient sur des projets dépendants de l'état comme par exemple le programme spatial. Les solutions étaient multiples.
Quoi qu'il en soit, le sort qui attendait Amanda et ses compagnons était différent. Même si Albert affirmait que c'était pour leur sécurité, ils étaient prisonniers. Certes, leur cachot était plutôt confortable puisqu'il s'agissait de l'ancienne chambre du général Bellhaie, bien chauffée, dotée de la télévision et d'une radio, d'un lit douillet et large. Seule la décoration laissait à désirer, des représentations de Seth ornaient les murs et des statuettes du même Dieu recouvraient les meubles. Une carafe d'eau était à leur disposition et on leur livrait trois repas par jour. Le docteur Samuels passait régulièrement pour s'occuper des blessures de Daniel et de la maladie de Lisa. En résumé, ils étaient bien traités mais pas libres. Albert jugeait qu'il était préférable de ne pas les relâcher immédiatement. Après tout, ils connaissaient l'identité du Maître et de nombreux autres secrets, ils représentaient un danger pour l'OESA.
Après ces quatorze jours de captivité, ils se mirent d'accord sur un plan d'évasion. Ils connaissaient tous les couloirs de la base ainsi que la manière d'agir, pour le moins désordonnée, des membres de l'OESA. Ce n'était que des civils sans formation dont un bon nombre étaient corrompus, Marchello était d'ailleurs le meilleur exemple d'entre eux, toujours prêt à utiliser son pouvoir et ses armes à des fin personnelles. Bien que l'OESA prône la justice et d'autres valeurs similaires, ses pratiques restaient celles de malfaiteurs, la torture et la violence étant son moyen de persuasion favori.
Là était le paradoxe, au départ le Maître représentait les ennemis, puis les rôles avaient été inversés. Finalement, aussi bien le général Bellhaie que l'OESA pouvaient arborer l'étiquette des « méchants ». A croire qu'il n'y avait aucune valeur positive à défendre dans ce monde. Ce type de pensées négatives finit de ruiner le moral d'Amanda. Elle n'avait plus aucune volonté et le désespoir la submergeait. Pourtant elle ne laissait pas paraître sa déprime, elle devait tenir bon pour Daniel, Jonathan, Lisa et Annette qui comptaient sur elle. Ce soir, ses connaissances en informatique allaient leur permettre de s'échapper...
*
Adam sortit des cuisines. Il venait de récupérer les plats pour les prisonniers. L'homme monta dans l'ascenseur en sifflotant un air gai, inconscient de ce qui l'attendait quelques étages plus hauts.
*
— Dépêche-toi, s'impatienta Jonathan. Ils vont bientôt arriver.
— Je sais, je sais, répondit Amanda, agacée.
Elle était installée au bureau du général, devant l'ordinateur, et enfonçait les touches du clavier avec frénésie.
— Ça fait plus d'une heure que tu es devant cet écran. Tu aurais dû finir il y a longtemps déjà.
— Je n'arrive pas à enregistrer mes ordres... Peut-être que... Oui, ça marche ! s'enthousiasma le lieutenant.
La porte s'ouvrit d'un coup. Il s'agissait d'Adam :
— Qu'est-ce que vous faites à cet ordinateur ?
— Jugez vous-même, proposa Amanda en appuyant sur la touche « entrée ».
Aussitôt, toute la base fut plongée dans l'obscurité. Plus aucune installation électrique ne fonctionnait, ni lumière, ni ordinateur, ni alarme. Lisa profita de la surprise d'Adam pour l'assommer à l'aide d'une statuette à l'effigie de Seth. L'homme s'affala sur le sol. Jonathan félicita la jeune femme, déposa un baiser sur ses lèvres puis enjamba le corps inconscient qui gisait au seuil de la porte.
Sans trop se presser, le groupe de fuyards se dirigea vers l'ascenseur. Les ténèbres étaient de leur côté, non seulement personne ne les verrait, mais aucune alarme n'avait permis de dénoncer leur tentative d'évasion. Ils se contentèrent donc de rejoindre la sortie. Quelques hommes les croisèrent mais, ne pouvant distinguer leur visage, les prirent pour des confrères. L'un d'eux tenta même d'entamer une discussion sur l'origine des problèmes d'électricité. D'une voix enrouée, Daniel répondit qu'il n'en savait trop rien puis coupa court au dialogue.
Les gardes à l'entrée de la grotte avaient délaissé leur poste. Ils ne soupçonnaient aucune menace dans la mesure où la base était à présent sous le contrôle de l'OESA. De plus, les anciens locataires du complexe militaire n'avaient aucune raison de contre-attaquer puisque la vérité sur la folie du général Bellhaie leur avait été révélée, et on n'avait pas tari d'éloges sur le bien-fondé de l'intervention de l'OESA. Ainsi libres de leurs mouvements, les cinq prisonniers quittèrent les lieux en s'enfonçant dans les bois sombres et froids.
— On a quelques heures avant qu'ils ne rétablissent l'électricité, annonça Amanda.
— Il n'y a pas un plan de secours en cas de panne ? interrogea Daniel.
— Si, bien sûr. Mais il faut le code d'accès de deux officiers pour lancer la procédure. Le seul moyen qu'il leur reste est de réinitialiser le programme à partir de l'ordinateur central. Celui-ci a un accès permanent à une faible source d'énergie mais il leur faudra des heures avant de trouver le bon programme.
— Alors on a un peu de temps pour prendre l'avion et se cacher à l'autre bout du monde, proposa sérieusement le jeune homme.
— Ne sois pas stupide, Daniel. On va retourner à l'hôtel, récupérer nos affaires, l'argent, et se mettre à l'abri dans la grotte située au bas de la montagne.
Ils traversèrent la forêt par cette froide nuit de février. Les nuages, trop épais, voilaient la lune. Mais les quelques faibles rayons qui parvenaient à passer conféraient aux arbres des ombres monstrueuses. Où pouvait bien être le général Bellhaie à cette heure ci ? Que faisait- il ? Avec qui était-il ? Et la bombe ? Un nombre incalculable de questions se bousculait dans l'esprit des fuyards. Ils étaient les seuls à ne pas avoir abandonné la lutte. Ils retrouveraient Bellhaie, quel qu'en soit le prix. Cet homme avait détruit leur existence, ruiné leur vie. Il devait payer.
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A Double Tranchant (Terminé)
Mystère / ThrillerSéductrice accomplie, le docteur Lisa Milton pense laisser son passé trouble derrière elle en acceptant un nouveau poste dans une base militaire souterraine. Avant même son premier jour, elle a déjà jeté son dévolu sur un charmant colonel. Pourtant...