Chapitre 36 - Tapis dans l'ombre

41 7 1
                                    

Le lendemain matin, les cinq compagnons furent de retour dans leur chambre d'hôtel. Ils s'effondrèrent sur le lit, les uns sur les autres, complètement éreintés et glacés jusqu'au sang. Ils se succédèrent tour à tour dans la salle de bain. Une douche et de l'eau chaude, cela faisait deux semaines qu'ils n'y avaient pas eu droit.

Lisa n'était pas encore totalement remise de sa maladie et la marche nocturne n'avait pas arrangé les choses. Jonathan ne parvenait pas à détourner le regard de sa belle. Elle était si désirable en cet instant, comme elle l'avait d'ailleurs toujours été. Le tourbillon dans son bas ventre était insatiable. Si seulement ils avaient été seuls...

Daniel se plaignait de grattements continuels dans le dos, ses blessures dues au fouet cicatrisaient, mais il en garderait à jamais la marque. Récupérer son argent, son trésor, lui remonta cependant le moral et lui permit d'endurer ses souffrances avec ferveur.

Amanda n'avait qu'une chose en tête : retrouver le général, coûte que coûte, peu importait dorénavant que sa vie soit en jeu. La vengeance l'obnubilait.

Annette, quant à elle, avait soif d'aventure. La passion du danger et des montées d'adrénaline s'était réveillée en elle. Elle n'avait pas tout vécu, pas tout vu, pas tout connu.

En résumé, chacun restait dans son coin, à réfléchir, seul. Ils passèrent deux jours encore entre les quatre murs de la misérable chambre d'hôtel puis plièrent bagage. Ils se rendirent dans la grotte au pied de la montagne. Des buissons en dissimulaient l'entrée, de cette manière ils seraient à l'abri des regards indésirables. Ils étaient dépossédés de tout, leur existence avait été anéantie au point que leur propre âme leur échappait. Condamnés à demeurer dans cette grotte, trou à rat immonde, froid, humide...

Lassé de cette inaction, Jonathan se porta volontaire pour aller chercher quelques branches d'arbres afin d'alimenter le feu autour duquel se massaient les évadés. Il quitta avec soulagement l'ambiance pesante qui régnait au sein du groupe. Les sujets de conversation avaient été épuisés depuis longtemps déjà et un mutisme agaçant s'était imposé. La lune, spectateur passif, ne se dévoilait qu'à moitié. Dans quelques jours elle serait pleine, dans quelques jours cela ferait un mois que Jonathan avait émis ses premiers doutes à l'égard du général Bellhaie, un mois qu'il éprouvait des sentiments contradictoires envers Lisa, un mois, un si long mois qui semblait s'éterniser à l'infini. C'était comme s'il ne s'était jamais rien passé avant ce mois maudit, comme si l'éternité n'avait commencé qu'à cet instant, que cette période ne finirait jamais. Peut-être que c'était le cas. Et si tous les souvenirs du colonel n'étaient issus que de sa seule imagination ? Un rêve, un affreux rêve. Un doux cauchemar mettant en scène la sulfureuse Lisa. Oh, sa Lisa, sa belle Lisa qu'il désirait tant, comme elle le faisait souffrir...

Un craquement se fit soudain entendre dans les sous-bois, se propageant distinctement dans la nuit noire. Jonathan s'immobilisa pour mieux écouter. Il fronça les sourcils, scrutant l'obscurité doublée d'un épais brouillard, mais ne vit rien. Se baissant pour ramasser un autre bout de bois, l'homme effleura un lambeau de tissu. Il l'éleva à la lueur d'un rayon indifférent de la lune et reconnut le vert kaki qui lui était si familier. Quelque chose à ses pieds l'éblouit. La lumière blanche se reflétait sur un objet scintillant tel une minuscule étoile dans les ténèbres. Il se baissa une nouvelle fois pour récupérer la petite plaque métallique identique à celle qui était accrochée à toutes ses chemises militaires. Celle-ci supportait le nom du sergent Davis.

Cette fois, des bruits de pas se firent nettement entendre, tout proche :

— Qui est là ? se risqua à demander le colonel.

A Double Tranchant (Terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant