Chapitre 18 - Philadelphie, Pennsylvanie

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Lendemain matin

Une pluie fine s'abat sur Philadelphie. Maxwell chasse les gouttes, qui pendent au bout de ses mèches, d'un coup de main. Sa veste de costume est trempée et s'égoutte sur le sol de l'appartement. Il me regarde tandis que je découpe soigneusement les contours de mon pain de mie. Je ne l'ai pas vu depuis hier soir. Il est resté enfermé dans sa chambre, n'en sortant que très tard, une fois les lumières éteintes. Ce matin, il est parti avant que je me réveille.

_Qu'est-ce que tu fais ?

_Je mange.

Sa langue claque contre son palais, dans un signe réprobateur.

_Je vois ça. Dit-il, agacé. Pourquoi tu coupes les bords du pain ?

_Je n'aime pas la croute. Tu la veux ?

Il ne répond pas et souffle, son attention déjà ailleurs, en lisant un message sur son téléphone. Son front se plisse et sa mâchoire se carre.

_Mauvaise nouvelle ? Je demande, en engloutissant une tartine.

Il cligne des yeux, se rappelant ma présence et me fixe sans rien dire avant de s'avancer et s'installer sur l'un des tabourets en face de moi. Il m'observe manger et je me racle la gorge mal à l'aise. Je n'arrive pas à percer ce qu'il se trame dans son cerveau. Toujours impassible, sa carapace semble se renforcer de jour en jour, m'empêchant tout rapprochement. Il est une muraille hautement infranchissable, parée de piques acérées et de douves mortelles. Et il prend un malin plaisir à me voir tenter l'ascension et échouer lamentablement. Si je ne peux l'atteindre par le haut, ce n'est pas grave. J'ai encore plusieurs cordes à mon arc et si je dois viser ailleurs, je le ferais.

_Dépêche-toi de finir, nous devons partir. Finit-il par dire, après un long silence.

_Chouette ! C'est l'heure de ma promenade hebdomadaire ? Je raille, en refermant un pot de confiture.

_Continue comme ça et je vais aller t'acheter une muselière.

Mes lèvres se retroussent dans un sourire charmeur et je me penche vers lui.

_Tu sais, il y a bien d'autres moyens pour me faire taire...

_Comme une balle en pleine tête ? Réplique-t-il, en arquant un sourcil.

Je plaque ma main sur mon cœur, l'air peiné.

_Tu tuerais ton associé ?

Il croise les bras sur son torse et se penche en arrière, l'air amusé.

_Si j'ai le moindre doute sur sa fidélité...sans hésiter.

_Heureusement que nous ne sommes pas associés alors.

J'attrape l'assiette mais, aussitôt ses doigts s'enroulent autour de mon poignet, m'empêchant de bouger. Il me tire vers lui et mon souffle se coupe, lorsque je butte contre l'ilot. De sa main libre, il picore les morceaux de croûtes de pain laissés à l'abandon avant de me relâcher.

_Maintenant, tu peux.

Le frisson qui remonte ma colonne vertébrale me prend de court de même que l'étincelle de malice qui fait luire ses pupilles. Il mastique lentement, m'épiant par-dessous ses longs cils. Je déteste ce chaud et froid constant qui souffle entre nous. Surtout, je déteste toutes les réactions de mon corps lorsqu'il est en sa présence. Je n'ai pas de temps à consacrer à toutes ces interrogations qui virevoltent en arrière-plan de mon cerveau. Car je ne suis pas là pour ça. Ma haine est décuplée par les sensations dans mon ventre lorsqu'il pose un regard sur moi. Je me déteste autant que je le déteste. Malheureusement pour moi, je ne parviens pas à déterminer qui l'emportera.

Los Encantadores [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant