Chapitre 29 - Indianapolis - Indiana

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L'amour est un sentiment complexe, insaisissable, inexplicable. Il surgit, sans que l'on puisse s'y attendre, nous rendant faible et méprisable. Du moins, c'est ce que j'ai toujours pensé. Bercée depuis l'enfance, par les propos de ma mère, qui avait pour preuve la vie misérable que mon père lui avait offerte, sous couvert d'amour.

Leur idylle a commencé sur les bancs de l'école où mon paternel, follement épris, a tout mis en œuvre pour attirer la belle Nicole Beck dans ses filets. Il faut dire qu'à cette époque, ma mère faisait tourner toutes les têtes. Belle, intelligente, drôle, affable mais surtout indépendante. Elle intriguait autant qu'elle faisait rêver. Sa réputation de femme intouchable la précédait et elle était devenue, à sa manière, l'icône du Lycée de Camden.

Et après des mois passés à lui faire la cour, mon père réussit à conquérir le cœur de la secrète Nicole. Leur couple ne passait pas inaperçu et très vite les frôlements de mains et les bisous sur la joue ne suffirent plus. Mon père en voulait plus. Un an après leur rencontre, ma mère tomba enceinte. Et leur histoire –qui avait tout l'air d'un conte de fée- vira au cauchemar.

Le beau prince se transforma en crapaud.

Le château, dans lequel j'étais censée voir le jour, se transforma en marécage.

La bague de fiançailles de ma mère se transforma en paire de menotte.

Il ne restait plus rien des promesses d'avenir de mon père. Juste de belles paroles soufflées sur l'oreiller avant qu'il ne rejoigne Morphée et ses rêves enneigés. Alors, tel un flocon se liquéfiant au contact du soleil, l'intouchable Nicole Beck disparue, aveuglée par cet astre solaire qui lui avait promis monts et merveilles. Désormais, elle vivait sous le joug de cet homme qui saupoudrait son quotidien de coups et d'insultes et elle cumulait les emplois afin de subvenir aux besoins irrationnels de cet abrutit et de sa passion dévorante : la poudre blanche.

Quelques années plus tard, mon père décéda d'une overdose. Ce jour-là, ma mère pleura. Pas de tristesse mais de joie –ce que je compris ultérieurement- car, âgée de six ans, j'étais bien loin de me douter de l'enfer qu'elle subissait.

Ainsi, ma mère passa le reste de sa vie à me mettre en garde, me bourrant le crâne de ces litanies entêtantes, qu'elle considérait comme immorales.

Et je l'ai écouté, éradiquant, complètement, toute forme d'amour dans ma vie. Avec moi, il n'y avait pas d'attache. Pas de douceur. Pas de tendresse. Juste du sexe.

C'est pour cette raison, que je n'ai éprouvé aucun remord en me glissant aux côtés d'Amor. J'ai poussé ses consignes maternelles si loin, qu'étouffer cet idiot de mots pleins d'affections, lui faisant miroiter une illusion bien à l'opposé de la réalité, s'est montrée d'une facilité déconcertante. Enhardie par ma vengeance, il m'a suffi de laisser parler ma haine, lui susurrant des discours soigneusement enjolivés pour atteindre son cœur mais, pas que...

Et tandis que Maxwell se racle la gorge, les paupières closes, visiblement en proie à un intense dilemme, je réalise que je suis foutue.

L'amour est un poison dont il faut se méfier.

Du moins, dont Maman m'a toujours dit de me méfier. Notamment de celui avec un grand « A ». Celui qui renverse tout sur son passage. Celui qui vous fait perdre la tête. Celui qui vous avale tout cru. Et alors, que je fixe Maxwell, dans l'attente d'une réponse qui ne vient pas, je prends conscience que ma mère avait raison. Sur toute la ligne.

Le silence s'éternise, me laissant le temps de me demander si cette peur panique que je ressens au plus profond de mon être est dû à la crainte de ce que je vais entendre ou à l'attente insoutenable qu'il me fait subir. Un frisson d'angoisse remonte le long de ma colonne vertébrale et je sens sa poigne d'acier s'enrouler autour de ma gorge, la comprimant si brusquement que j'ouvre la bouche dans une vaine tentative pour reprendre mon souffle.

Los Encantadores [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant