Chapitre 22 - Philadelphie, Pennsylvanie

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La porte de l'appartement se referme derrière moi et je retiens mon souffle. Philadelphie dort encore. Et pour cause, le soleil peine à apparaitre sur la ligne d'horizon, chassant la Lune, désormais basse dans le ciel. Je lève mes chaussures et pieds nus, m'aventure dans le salon. La porte de la chambre de Maxwell est fermée et les battements de mon cœur se calment aussitôt.

Rien n'aurait pu être pire que de conclure cette abominable soirée par Maxwell, me prenant la main dans le sac alors que je rentre de mon escapade nocturne. Des souvenirs de mon adolescence agitée me reviennent en tête et je souris. J'ai toujours eu pour habitude de faire le mur. J'adorais l'adrénaline que me procurait cette sensation de liberté frauduleusement acquise. Au petit matin, lorsque je franchissais ma fenêtre, je tremblais de peur de me fait surprendre. Ce qui n'était jamais arrivé. Mais, ce petit coup de stress était mon moteur. Il me galvanisait pour le reste de la journée.

Ma période rebelle est terminée depuis longtemps. Pourtant, je ne peux empêcher les picotements de bonheur qui traversent mon corps alors que je passe devant sa chambre. Mais, cette fausse joie est de courte durée. A peine je me retrouve dans la mienne que l'angoisse me saisit. Elle s'enroule autour de ma nuque, me privant d'air et descend jusqu'à ma taille, me donnant la nausée. Je m'écroule sur mon lit, enfouissant ma tête dans l'un des coussins. Mon hurlement se perd dans les couches de tissus et je mords rageusement la mousse, faute de pouvoir crier à plein poumons.

Je ferme les yeux, chassant les images de cette nuit qui dansent devant mes pupilles. Je vais mourir. Cette éventualité ne m'a jamais fait peur. J'ai toujours su que ma mission se solderait par ma mort. En revanche, je n'avais pas réalisé qu'elle pouvait intervenir avant que j'atteigne l'objectif que je m'étais donné. Amor devait mourir avant moi. J'en avais fait la promesse et à cause de ma faiblesse, j'avais gâché toutes mes chances d'y parvenir.

Mes poings s'abattent sur le matelas avant d'agripper le drap que je tire d'un coup sec. Un craquement sinistre résonne et je constate, désabusée, que je l'ai déchiré. Telle une enfant, en pleine crise, je saute, tape et retourne ma chambre, dans l'espoir de me calmer. Les cintres volent dans la pièce et mes vêtements jonchent rapidement le sol. Mais, ma colère ne passe pas. J'avise la lampe de chevet et l'arrache de la table, sur laquelle elle est posée, prête à la projeter contre le mur.

Soudain un frisson me parcourt et mes poils se dressent sur mes avant-bras. Je me fige, les mains en l'air. Je n'ai pas besoin de me tourner pour savoir qu'il est là. Je sens son regard planté dans mon dos et sa présence envahir l'espace.

_Besoin de te défouler ? Demande-t-il de sa voix grave et profonde.

_Ce n'est pas le moment.

Un cri de désespoir s'échappe de mes lèvres retroussées par la rage. Je lâche la lampe, qui s'écrase pitoyablement sur mon lit et serre les poings. Je tremble, bien incapable de me contenir.

_Qu'est-ce qui te met dans cet état ?

Je ne résiste pas et pivote sur mes talons, le fusillant du regard. Appuyé contre le chambranle en bois, il me fixe, les bras croisés sur son torse. Aucune émotion n'est lisible sur ses traits alors qu'il reste silencieux, en attente d'une réponse. Etrangement, je ne perçois même pas son air condescendant qu'il affiche en ma présence. Il est neutre. Et cette neutralité m'effraie.

_Toi. L'appartement. Cette situation. J'énumère en dépliant mes doigts devant lui. Je n'en peux plus.

Je suis perdue et fatiguée. Ces derniers mois ont mis mes nerfs à rude épreuves et il semblerait que mon corps ait décidé de craquer aujourd'hui. Ça, rajouté au manque de sommeil et mon affrontement avec Amor et me voilà méconnaissable. J'envoie valser une pile de pantalon qui s'écroule dans un bruit sourd.

Los Encantadores [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant