Chapitre 30 - Indianapolis - Indiana

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Nous nous évitons comme la peste. Les révélations chamboulantes, échangées deux jours plus tôt, semblent s'accrocher telles de vieilles toiles d'araignées aux murs de la maison. Emprisonnés dans cette étreinte inconfortable et soumis aux poids de ces aveux, nous ne pouvons faire autrement que nous ignorer.

De plus, je sens en permanence son regard posé sur moi qui, lourd de sens, m'avertit de ce qu'il m'attend si je venais à franchir cette limite tacite. Et pour la première fois depuis longtemps, j'ai freiné mes ardeurs, l'écoutant sagement. Bien que l'envie vorace qui me tourmente, menace de me faire flancher à chaque fois que je me remémore ces instants.

J'ai passé les deux dernières nuits à espérer le voir apparaitre sur le seuil de ma porte et, je ne pouvais m'empêcher de dresser l'oreille dès qu'une lame de parquet venait à grincer dans le couloir. Bien évidemment, mes espoirs furent vains. Il n'est jamais venu. Comme je n'ai pas osé le rejoindre.

Mais après deux jours d'ignorance la plus totale, je craque.

Dans l'ascenseur, mon reflet me fait face. L'impatience fait pulser mon cœur et colore mes joues d'une légère teinte rosée. Mes cheveux bruns encadrent mon visage, fatigué, avant de s'échouer sur mes épaules. Mon attention finit par se fixer sur mes yeux. Un éclat d'espoir illumine mes pupilles et ce constat me fait grincer des dents.

Je n'ai pas oublié la promesse de Maxwell. Si je venais à lui confier mon plus gros secret, il concédait à notre alliance afin de m'aider à me débarrasser d'Amor. Sauf que deux jours ont passé et rien n'a changé. J'ai bien conscience que sans lui mes projets d'avenir sont au point mort. Car seule, à l'autre bout du pays, je suis sans ressource. Et face aux Encantadores je ne suis rien d'autre qu'une vulgaire abeille. Piquer oui mais à quel prix ? Celui de ma vie. Le tout, sans certitude que mon sacrifice portera ses fruits.

C'est pour cette raison que j'ai besoin de Maxwell. Il est ma garantie de réussite.

Les portes s'ouvrent sur le quatrième étage. Je m'avance sur le palier. Des voix filtrent à travers le battant de sa chambre. Je reconnais son timbre, calme, et celui, énervé, de Logan. Je ne saisis pas leur conversation qui est étouffée par les murs épais de la maison. Alors, avisant le bureau, miraculeusement ouvert, je décide d'y jeter un coup d'œil.

Il me reste encore à découvrir ce qu'il se cache au sous-sol et je suis prête à parier que la clef se trouve dans cette pièce. Je m'avance dans cet espace, légèrement plus petit que la chambre que j'occupe mais néanmoins grand. A l'image du reste, la décoration est sobre. Mur blanc, parquet au sol, un bureau qui trône au milieu et une chaise située dos à l'immense baie vitrée et sa vue sur le jardin.

Sans perdre de temps, je me précipite vers les tiroirs, les ouvrant un à un. Le premier est rempli de feuilles et d'un calepin vierge. Le deuxième est vide à l'exception d'un stylo qui roule lorsque je referme brusquement le compartiment. La déception m'envahit. Cela aurait été trop simple.

L'idée de demander directement à Maxwell ce qu'il cache au sous-sol m'a traversé l'esprit avant que je la chasse aussitôt. Il en est hors de question. Car il démentira ou pire, me mentira. Notre relation est déjà basée sur trop de mensonges et non-dits pour en rajouter de nouveaux. Je n'ai pas d'autres choix que de lui faire confiance même si j'ai conscience qu'il ne m'a pas tout avoué.

Soudain, la porte s'ouvre et la silhouette de Maxwell apparait sur le seuil. Je me fige, la main posée sur le troisième tiroir que je m'apprêtais à ouvrir. Aucun de nous n'amorce le moindre mouvement. Immobiles, nous nous affrontons silencieusement, dans l'expectative de voir l'autre flancher le premier. Mon cœur tambourine sourdement dans mes oreilles et je trésaille lorsqu'il esquisse un pas dans ma direction, claquant la porte derrière lui.

Los Encantadores [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant