CHAPITRE UN

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LEONIE

Il me trompait. Je tournai et retournai cette information dans ma tête, assise sur le sol froid des toilettes du deuxième étage. Il me trompait. Cela faisait déjà plusieurs mois que je voulais le quitter, nous avions d'ailleurs eu une longue discussion à ce sujet la semaine dernière, mais il m'avait retenue. Encore. Il me trompait. Je sentais la nausée me brouiller l'estomac, et me penchai de nouveau au dessus des wc quand on toqua à la porte.

-  Ca va la dedans ?

-  Oui, je sors.

Je pris le peu de forces qu'il me restait pour me mettre debout et sortir de la pièce. La femme en face de moi m'adressa un regard de pitié. Plutôt belle, elle portait un joli tailleur bleu marine, svelte, elle semblait avoir une quarantaine d'années. A sa tenue, je supposai qu'elle travaillait au sixième, aux assurances. Le fait qu'elle ai pu m'entendre vomir me mettait mal à l'aise. Putain. Je détestais passer pour une faible. Je lui offris mon plus beau sourire et passait devant elle, la tête haute. A quoi bon ? Elle m'avait sûrement entendue pleurer et vomir. Pourquoi je me sentais si mal ? Je voulais le quitter, je voulais partir.

- Léo ? J'ai les papiers que tu m'as demand- merde ça va ?

Flavie ne fini pas sa phrase, à cause de cette femme aux toilettes j'avais oublié de constater les dégâts, mon mythique eye-liner avait du couler. Je m'essuyai rapidement le dessous des yeux en préférant ignorer la question de Flavie.

- Merci, tu as eu mon mail pour la réunion avec Gallimer ?

- Léonie...

Je me retournai face à ma collègue et meilleure amie. Notre rencontre avait eu lieu 10 ans auparavant dans un bar. Elle pleurait par ce qu'un type lui avait renversé de la bière sur son sac, je lui avait tendu une serviette et nous avions passer le reste de la soirée ensemble. Elle n'avait pas eu peur de raconter sa vie à une inconnue, comme, a ce jour, elle n'avait pas peur de recueillir un chien abandonné et miteux. Elle était du genre à faire confiance aux gens, elle voyait le positif en chacun. Enfin presque.

- Quel connard !

- Flavie ! moins fort.

Je jetais un œil sur la salle de pause, personne ne nous regardait. Je lui expliquai pour Paul. Paul. Je me souvint du jour où nous avions regardé la signification de nos prénoms, Paul, du latin, petit, faible ; Et Léonie, qui ramène au lion, symbole de force.

- C'est un connard, c'est un faible.. un minus..

Elle n'avait pas idée.

- Ce n'est pas une raison pour mettre tout le service au courant, baisse d'un ton.

- Il t'as dit quoi ? Tu sais comment ? Quand ? Où ?

La nausée me reprenais, oui, je lui avais demandé. Une pulsion selon lui, mais une pulsion ne faisait pas réserver un hôtel. Une pulsion ne faisait pas continuer de parler à la personne jusque tard la nuit. Une pulsion. Une pulsion qui mettait donc fin à quatorze ans de relation. Une pulsion dont il ne savait même plus me donner la date, on devrait pouvoir se souvenir du jour exacte où l'on brise un pacte, une relation, une personne. Je répondis juste :

- Non.

Alors elle passa à autre chose. Elle me connaissait, je n'en dirai pas plus, je n'étais pas comme elle. Je gardais ma vie secrète, je restais discrète, c'est comme ça que l'on m'avait appris à me comporter.
Ce n'est pas que j'en avais honte, mais j'en aurais préféré une autre, de vie.
Issue d'une famille à la limite entre la pauvreté et la classe moyenne, mes deux parents n'avaient jamais travaillé, et ils s'étaient séparés l'année de mes 20 ans. A la maison il y avait deux atmosphères, celle devant les gens, les trois sœurs, une blonde, une brune et une rousse, toujours calmes, polies, serviables « - vous en avez de la chance, d'avoir des filles aussi bien éduquées ! C'est rare de nos jours ! » des parents qui rigolent, des enfants serviables.
Une famille parfaite ; modestement parfaite.
Et puis il y avait l'atmosphère de la maison, quand personne ne venait juger de notre éducation, le papa dans le bureau, la maman qui pleure, les sœurs qui hurlent, qui se tapent, la boule au ventre à chaque instant, les fugues, les pédopsychiatres. Refouler ses émotions pour éviter les disputes, les pleurs, les coups. Les mêmes inlassables vêtement payés avec les sous des anniversaires. Les moqueries des autres enfants au collège.

ILLUSOIREOù les histoires vivent. Découvrez maintenant