37. Boum.

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C'était un noir non pas abyssal, mais flou, dont s'échappaient quelques fins liserées de lumière, qui accueillit la Coréenne lors de son réveil. HyunAe laissa sa respiration s'accélérer, encore sous le coup de cette rencontre fictive, et son souffle chaud glissa sur son menton pour monter jusqu'à l'arrête de son nez et former un nuage de vapeur sous ses yeux.

Son visage était enfermé dans un épais tissu.

HyunAe palpa le reste de son corps, à la recherche d'indices. Elle était allongée, ses habits moulants de sport oubliés pour des vêtements larges, informes, très certainement du même noir que son champ de vision. Ses bottines avaient été troquées contre des énormes baskets à la semelle aussi épaisse qu'un pneu. HyunAe sentait contre ses épaules le réconfort du cuir. Elle voulut retirer la cagoule de son visage, pour enfin pouvoir respirer correctement, mais le tissu était cousu au reste de ses vêtements de manière efficace. Tant pis, elle allait devoir faire avec cet encombrant accessoire.

Ses mains voltigèrent jusqu'à son cou. Sous ses habits, tout contre sa peau, sa clé était bien là.

Au moins elle ne finirait pas comme Mark. Il faudrait y aller au couteau, pour s'emparer du collier.

HyunAe entreprit alors de se mettre sur ses deux jambes. Commença l'inspection désormais routinière de chaque début de manche.

Comme lors de l'épreuve qui s'était achevée... - HyunAe ignorait depuis combien de temps, passa sur l'information, frustrée -, les ingénieurs les avaient plongés dans un décor plus que réaliste. Enfin, l'avaient plongée, corrigea-t-elle. Car pour le moment, elle ne distinguait aucun de ses camarades.

La jeune femme se trouvait dans un paysage extérieur, en pleine nature. A l'horizon, un rayon de soleil pointait, indiquant un début de journée, ou du moins son illusion. On entendait les oiseaux chanter, les herbes bruissaient, la rivière s'écoulait, paisible. 

Tout ici renvoyait un aspect aussi apaisant que menaçant, car HyunAe savait que sous ces airs de campagne bienheureuse, quelque chose clochait. La Coréenne n'avait jamais mis les pieds dans cet endroit, elle supposait que les ingénieurs s'étaient inspirés d'un décor perdu au fond de la brousse pour les isoler les uns des autres.

- Je suppose que c'est le moment où je me bouge le fion..., souffla HyunAe.

D'une démarche timide, la hackeuse longea la rivière, les yeux figés sur le paysage afin d'avoir une idée de sa périphérie. Ses oreilles étaient aux aguets pour entendre un allié, ou bien un ennemi. Sa respiration était douce, profonde, car quand elle s'accélérait, HyunAe avait aussitôt l'impression que son oxygène s'échappait et écopait d'un début de nausée.

Être calme, se répétait-elle en son for intérieur. Être calme, et ne penser à rien d'autre qu'à l'instant présent, aux possibilités du futur immédiat.

L'absence des autres participants à ses côtés voulait dire deux choses : soit c'était une manche en solo, soit la compétition s'accélérait. L'affreuse solitude qu'avait déjà ressentie HyunAe lorsqu'elle avait perdu ses alliés lors de la manche précédente alourdit à nouveau son estomac.

Elle continua son chemin, de moins en moins certaine à chaque pas de sa destination. Elle finit par apercevoir de grandes silhouettes enfermées dans des uniformes militaires désuets. HyunAe s'approcha, la méfiance de sortie, le pas léger.

Une rangée d'hommes armés de fusils qui avaient plus leur place dans un musée faisait face à un pont à poutres, en bêton solide. HyunAe s'infiltra entre les militaires, certaine à présent que c'était bien la direction à prendre. Elle passa une main contre l'épaule d'un de ces hommes aux visages impassibles, pour tester sa théorie. Ses doigts traversèrent le muscle.

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