Lorsque j'étais enfant, je rêvais de pouvoir parcourir le monde... De pouvoir naviguer sur les mers turquoises et scintillantes. De découvrir des trésors enfouis dans des épaves inconnues de tous. De pouvoir toucher ces objets oubliés depuis des siècles et d'être la première à les admirer à nouveau.
Parfois je m'enfermais des heures dans la salle de bain où je prenais la baignoire pour ma barque. J'imaginais des pirates sanguinaires aux couteaux aiguisés me poursuivant sur un océan ténébreux grouillant d'horribles monstres. Seule, impuissante, je ramais de toutes mes forces munie d'un manche à balai...
Ces instants de frayeur ne s'éternisaient pas plus puisque des coups martelés contre la porte me sortaient de ma rêverie. Aussitôt le verrou tourné, j'avais affaire à la réalité : Annie Carélo, la directrice de l'orphelinat dans lequel je me trouvais.
Je l'ai toujours admirée et aimée. Elle était la maman que je n'avais jamais connue et quelquefois parvenait à combler une partie de mon cœur assombri par la solitude, à pallier ce manque d'amour. Je n'étais pas appréciée des autres enfants qui me prenaient pour « la favorite de Madame Carélo ». Celle-ci les réprimandait et leur demandait d'être plus gentils avec moi. Bien entendu cela ne faisait qu'augmenter leur mépris ce qui m'obligeait à rester loin d'eux, dans mon univers ...
Les seuls instants où nous oublions notre rancune, nos peines, étaient ceux où nous écoutions Annie raconter son fabuleux passé à ses petits protégés. Nous nous regroupions dans le salon, qui ressemblait à une salle de bal issue d'un conte de fées, après avoir dîné. Ainsi installés et repus sur les sofas, fauteuils ou sur de moelleux coussins, nous attendions le début du récit de notre bienfaitrice...
Annie Carélo naquit dans une famille aisée à Paris. Elle était une jeune fille aventurière, toujours en quête de liberté. Son père était un chef d'entreprise qui travaillait tous les jours, aussi ne le voyait-elle souvent. Les rares instants qu'ils passaient en famille avec sa mère et son père étaient assombris par les propos de celui-ci sur la question de l'héritage de la jeune fille. Puisqu'elle était son unique enfant, elle se devait de reprendre l'entreprise familiale. Mais Annie s'obstinait à vouloir découvrir des trésors enfouis dans les profondeurs marines...
Dans ces moments-là du récit, elle nous confiait toujours les rêves qu'elle faisait la nuit.
Elle ne le savait probablement pas mais elle me transmettait chaque jour son enthousiasme et sa soif d'aventure...Et je lui en serais éternellement reconnaissante puisque sans cela je n'aurais jamais réussi à m'épanouir...
Un jour, elle décida de partir du cocon parental et de vivre la vie qu'elle voulait mener. Pour cela, elle put compter sur le soutien de sa mère et de ses grands-parents qui refusaient de laisser partir la jeune fille sans un sou. Aussi, Mme Carélo et les aïeuls d'Annie lui donnèrent sa part d'héritage, qui représentait une fortune considérable, qu'elle ne put refuser devant leur insistance.
Elle rencontra un fabuleux jeune homme. Très vite, ils tombèrent éperdument amoureux l'un de l'autre. Il était militaire dans la marine et lorsqu'ils se fiancèrent, il reçut un ordre de mobilisation pour une mission urgente.
Elle l'attendit durant des jours sans avoir de nouvelles. Puis, ces jours se transformèrent en mois. Ce fut au cours du douzième mois, que le chef d'état-major de la Marine en personne lui téléphona pour lui annoncer la mort héroïque de son fiancé. Il y avait eu une embuscade et le bien-aimé s'était battu avec bravoure jusqu'à la fin.
Accablée, elle voulut trouver du réconfort auprès de ses propres parents mais hélas, son père ne souhaitait plus jamais la revoir.
Alors, elle partit dans un petit port français méconnu de tous du nom de « Portimono ». Là-bas, elle découvrit un ancien manoir qu'elle put rénover grâce à une partie de son inestimable héritage. Elle fit de ce lieu austère et dépourvu de vie, une maison chaleureuse, capable d'accueillir une dizaine de personnes. Et, puisqu'elle n'avait plus le droit d'être aimée par sa famille, elle voulut donner une chance aux enfants abandonnés ou orphelins et créa ainsi l'orphelinat du « Bonheur enfantin ». Je fus la première admise dans cet établissement et c'est pourquoi Annie tenait beaucoup à moi. Evidemment, elle aimait beaucoup les autres enfants et nous ne manquions de rien. Nous avions chacun notre propre chambre, notre place à table et elle nous chérissait comme une mère chérit ses enfants.
Mais pendant les quelques mois où nous n'étions que toutes les deux, j'avais été sa force, son courage pour lutter contre son chagrin ce qui était et sera toujours une excuse pour les autres d'être jaloux de moi.
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Le Temps d'un Souhait - Première Partie
AdventureRosélia est une jeune femme en quête d'aventures. Fuyant une enfance trouble, elle cherche à se construire dans ses études qui la passionnent: l'archéologie et plus particulièrement, la piraterie. Chargée d'un coffret mystérieux ayant le pouvoir de...