Chapitre 10 : Un destin différent guidé par l'espoir d'un homme

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James Rosso était toujours debout près de moi, je pouvais sentir son souffle saccadé par l'excitation sur ma nuque. Du coin de l'œil, je l'observai ; ses yeux semblaient vouloir transpercer ma peau pour déceler quelques solutions à ses malheurs mais je ne pouvais pas l'aider, cela m'était impossible car même si je possédais un coffret, il n'y avait pas la moindre trace d'une mystérieuse carte.

—Alors, savez-vous de quoi s'agit-il ? me demanda le capitaine mettant un terme à mes réflexions.

—Je ne sais pas, bredouillai-je désemparée, ne sachant plus ce qu'il était nécessaire que je fasse. Peut-être allait-il me jeter à la cale, inutile comme j'étais. Il fallait que je trouve une excuse pour qu'il me pense utile.

—J'ai besoin de réfléchir à tout ceci. Pouvez-vous me redonner ce présage étrange pour que je puisse y trouver quelque indice qui m'aurait échappée ?

—Certes, mais je voudrais toutefois savoir si vous possédez oui ou non un trésor aussi fabuleux que le prétendent ces lettres, sinon ce n'est guère la peine de vous infliger une telle tâche.

Il me regardait avec exaspération et sa voix était sifflante, reflétant une colère mêlée à une impuissance qui m'étonnèrent. Je ne savais si je pouvais avoir confiance en ce pirate que je connaissais à peine et pourtant quelque chose en moi semblait vouloir tout lui révéler. Malgré ce sentiment étrange, une petite voix me rappelait l'avertissement de ma mère : « ne révèle jamais le secret de ce coffret, sinon ton plus cher vœu sera annulé ». Et si mon coffret m'avait envoyée ici, c'était peut-être pour une raison, une bonne raison qui m'était inconnue pour le moment mais que je ne tarderai pas à deviner, il le fallait. Une petite part de moi, une part légèrement égoïste et très curieuse voulait rester pour vivre le rêve de la petite fille qui sommeillait en moi. Mais avais-je seulement le droit de rester ? Son visage commençait à se radoucir, peut-être était-ce dû à mon hésitation, je ne savais, mais quoi qu'il en soit, je me sentais prise au piège, trop impliquée pour me débarrasser de cette aventure en lui révélant mon secret. Tout s'était déroulé si vite avec toutes ces découvertes qu'il me partageait, je ne pouvais pas l'abandonner alors qu'il semblait me faire confiance. Seulement, pourquoi me faisait-il confiance ? Je n'étais qu'une jeune femme qui venait de débarquer dans sa vie et qui... Non, c'était impossible... Une idée me vint à l'esprit. La femme dont parlait la lettre, qui devait chambouler la vie du capitaine et qui plus est possédait un trésor...ne pouvait pas être moi, non cela était une idée inconcevable et je la repoussai loin dans ma mémoire même si je savais qu'elle continuerait de me poursuivre et de me hanter.

Son regard avait repris son intensité si déconcertante avec cette expression de détermination mêlée de confiance et sa voix avait pris une teinte plus douce et compréhensive lorsqu'il s'adressa de nouveau à moi :

—Je comprends que vous soyez réticente mais il faut absolument que je retrouve ces brigands dont il est question dans ces deux lettres. Ils ont..., hésita-t-il encore méfiant mais poursuivit après m'avoir jeté un regard bouleversé. Ils ont tué ma bienfaitrice, ils ont pillé sa demeure, ils l'ont insultée, elle, la seule personne qui m'ait chéri et accepté et qui m'ait tout appris. Il faut que je les arrête parce que, pendant que nous discutons, des hommes, des femmes et même des enfants se font tuer, violer, piller et meurtrir par ces sauvages. Alors si vous avez ce coffret, je vous en prie, faites-moi confiance et aidez-moi. Je sais que tout ceci est très rapide pour vous, que vous ne comprenez pas tout et que tout cela ne vous concerne pas, mais s'il vous plaît...

Pendant qu'il parlait, des larmes brillaient dans ses yeux féroces et face à cet homme désespéré et au malheur qu'il combattait, pas seulement pour lui mais aussi pour les autres, je ne pouvais rester là à réfléchir. Je n'avais pas besoin de me plonger davantage dans mes réflexions car je savais enfin pourquoi cet écrin m'avait envoyée auprès de cet homme : je devais l'aider à trouver cette arme et à combattre ces brigands. Peut-être que cette femme était réellement moi mais si elle sera (ou plutôt je serai) pour lui le plus beau des cadeaux qu'un homme puisse trouver cela ne signifiait pas forcément que c'était l'amour mais l'espoir (n'est-ce pas ?). Quoi qu'il en soit j'étais bien décidée à aider ce pirate, à redonner de la joie aux familles vivant dans la crainte de croiser la route de ces brutes et à laisser le destin me guider vers mon avenir car j'avais enfin ma chance de vivre une grande aventure auprès de pirates respirant la liberté et la bienveillance et je comptais bien la saisir.

—Très bien, déclarai-je avec toute la confiance qui venait de m'envahir, je vais vous aider...

—Vraiment ? s'exclama le capitaine.

—Laissez-moi finir, le coupai-je, je veux bien vous aider, vous montrer le coffret...

—Alors vous avez vraiment ce coffret ?!

—Capitaine je vous en prie, laissez-moi parler. Donc, je vais vous aider, vous montrer le coffret, combattre avec vous ces brigands...

—Mais vous n'êtes qu'une femme...

Je le fusillai du regard et il marmonna des excuses avant de s'asseoir sur son lit pour m'écouter. Je me plantai devant lui, le dominant de toute ma stature, mes mains sur mes hanches.

—Bien, à présent je vais pouvoir continuer sans être interrompue par des remarques sexistes et machistes, n'est-ce pas ?

Il me jeta un coup d'œil surpris et amusé et inclina la tête en retirant son tricorne puis en le remettant sur sa tête comme faisaient les hommes du XVIIème siècle pour rendre leurs hommages à une femme. Mais cela n'aurait pas dû me surprendre car j'étais au XVIIème siècle. Même si je doutais de la sincérité de l'acte, je le pris pour une affirmation et continuai :

—Donc je reprends. Je vais vous aider, vous montrer le coffret, vous aider à combattre les brigands et repartir chez moi lorsque tout sera rentré dans l'ordre, à condition que vous ne fassiez pas le curieux en me demandant ce qu'a de particulier ce coffret, ni d'où je viens et comment je suis arrivée ici. Alors, voulez-vous de mon aide à présent ? lui demandai-je en le regardant avec défi et en lui tendant la main.

—Avec plaisir mademoiselle, me répondit-il en se levant et en serrant ma main avec fermeté tout en m'adressant un sourire charmeur. Et puis, reprit-il sur un ton taquin, un peu de compagnie féminine ne nous ferait pas de mal, on dit même que cela redonne de la fraîcheur à un groupe d'hommes.

Me voyant rougir jusqu'aux oreilles et écarquiller les yeux devant cette réplique inattendue en ce moment solennel mais si prévisible pourtant avec cet étrange personnage que j'avais peine à cerner, il s'empressa de changer de sujet.

—Je vais vous conduire à votre cabine, et nous nous occuperons de cette histoire quand vous serez plus disposée et reposée.

—Merci beaucoup capitaine, lui répondis-je en rougissant de plus belle face à tant d'attention et de courtoisie.

—Je vous en prie, mais appelez-moi plutôt James comme le reste de l'équipage. Ce titre de capitaine est trop solennel pour moi.

Il m'adressa un clin d'œil tout en arborant son fameux sourire et se dirigea vers une armoire située près du lit et qui était en assez piteux état. Le bois dans lequel elle avait été construite, s'effritait tout comme celui du lit et arborait à divers endroits des tâches d'humidité. James l'ouvrit et y prit une chemise, dont la blancheur passée, ainsi que l'odeur pestilentielle qui s'en dégageait, laissaient croire qu'elle avait vécu beaucoup d'aventures, un pantalon jadis marron mais qui désormais, au fil du temps, était devenu marron-gris. Le pirate sortit son nez de la penderie et m'examina quelques instants avant de se décider à prendre une large ceinture usée et noire. Ensuite, il alla en direction d'un porte-manteau dont je n'avais pas remarqué l'existence auparavant, et s'empara d'une redingote toute aussi rapiécée. Puis, il se baissa afin d'extirper une paire de bottes noires à la mousquetaire parfaitement cirées et aux boucles argentées scintillantes. Il se dirigea vers moi avec sa collecte de vêtements à bout de bras et peut-être que mon étonnement se lisait sur mon visage car il me dit :

—C'est juste pour que vous vous fondiez dans la masse, vous comprenez ?

Il m'indiqua mes propres vêtements et je compris que mon jean et mon blouson n'allait vraiment pas avec le décor qui m'entourait.

—Ah oui, je vois...

—Avec ça (il désigna de nouveau mes habits), on pourrait croire que vous n'êtes, disons, pas du même monde.

Il se détourna et ouvrit la porte en m'indiquant de passer. Cet homme m'étonnait de plus en plus et je me mis à paniquer en me demandant s'il se doutait de quelque chose, s'il savait que je venais d'une autre époque. Il faut dire aussi que j'avais tout fait pour qu'il le devine. Qui au XVIIème siècle portait un jean avec un bombers ? Personne, mise à part les sottes de futuristes qui débarquent sur un navire et viennent vous aider en vous tendant un coffret ayant le pouvoir de vous téléporter.

Le Temps d'un Souhait - Première PartieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant