Chapitre 13 : Discussion au clair de lune

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Il m'emmena dehors et nous parlâmes de notre préoccupation première :

—J'ai beaucoup réfléchi à la prophétie mais je ne comprends pas où elle veut aboutir, commença James.

—Moi non plus, je ne trouve pas mais peut-être qu'après une bonne nuit de sommeil, tout s'éclaircira. Ma mère m'a toujours dit que la nuit portait conseil.

—Vous avez de la chance d'avoir encore vos parents, murmura-t-il avec tristesse.

—Vous vous méprenez. Je n'ai jamais connu mon père, il est mort avant même que ma mère n'ait pu lui dire qu'elle attendait un enfant. Quant à elle, elle a voulu me cacher aux yeux des autres enfants dont elle s'occupait car elle voyait bien qu'ils étaient jaloux de moi et me méprisaient.

—Je ne savais pas... Je suis désolé. C'est horrible qu'elle ne vous ait rien dit durant toutes ces années.

—Elle n'est pas méchante, juste un peu trop aimante. Elle ne voulait pas qu'il y ait d'inégalité entre nous parce qu'elle nous aimait tous à sa manière. Et je sais qu'elle s'en voulait de m'aimer plus que les autres alors qu'eux n'avaient plus de parents. Elle voulait juste que nous nous aimions comme des frères et sœurs. Elle y est arrivée pour les orphelins car le fait qu'ils s'allient tous contre moi, les a sans aucun doute rapprochés.

—Vous devez avoir un grand cœur pour conclure ces choses-là.

—Vous le feriez aussi, si vous connaissiez ma mère.

Nous nous dirigeâmes vers le garde-corps sur lequel s'appuya James et auquel je m'adossai. Il m'observa sous le clair de lune assez longuement avant de finir par déclarer :

—Plus j'apprends de choses sur vous, et plus vous m'êtes mystérieuse.

—Et puis-je savoir pourquoi ? répliquai-je assez mal à l'aise et me demandant où voulait en venir le pirate.

—Vous n'êtes vraiment pas comme les autres femmes de ce monde... Vous me semblez venir de si loin...

Je détournai le regard ; je ne voulais pas qu'il sache tout de suite d'où je venais. Si je lui avouais tout, le coffret annulerait le vœu et je ne pourrais plus aider ces pauvres hommes. Or, je souhaitais de tout mon cœur pouvoir les aider et peut-être aussi sauver le « monstre » qui était la cause de tant de malheur. Je ne pouvais supporter l'idée que son destin était scellé ; personne ne mérite de mourir avant d'être pardonné pour ses erreurs. Je me disais que je finirai bien par trouver un moyen de lui rendre la raison.

—Je vous promets qu'un jour vous saurez tout sur moi, absolument tout, finis-je par déclarer avant de me tourner de nouveau vers lui. Mais, je vous en prie, ne cherchez pas à savoir avant que je ne vous ais tout dit.

Il me sourit et me promit :

—Peut m'importe qui vous êtes, je vois bien que vous êtes une personne merveilleuse. Je ne vous demanderai pas d'où vous venez, je ne vous demanderai pas de quel monde vous venez, je vous demanderai simplement de rester jusqu'au bout avec nous. Vous êtes la clé de nos malheurs, le soleil de nos ennuis. Alors non, je ne ferai rien qui vous déplaise parce que je ne veux pas vous perdre. Pas seulement parce que vous possédez un coffret enchanté mais parce qu'à vous seule, vous nous rendez notre bonheur passé.

Ces mots me chamboulèrent et tout le monde extérieur semblait s'être arrêté pour ne plus voir que cet homme qui avait une telle confiance en moi. Tout semblait s'être réveillé en moi, et dans mon ventre, une fête venait de commencer. Mais afin que James ne s'en rendit pas compte, je dirigeai mon regard vers la mer. Je me raclai la gorge assez mal à l'aise, avant de me décider à reprendre la parole :

—Bon et si vous répondiez à mes questions à présent ?

Il afficha une mine surprise et son sourire espiègle réapparut :

—Bien entendu. Après tout, c'est pour cela que je vous ai invitée à dîner. Demandez-moi ce que vous voulez, je tâcherai de répondre à chacune de vos questions.

—Eh bien, commençai-je ne sachant comment aborder le sujet délicat. Je me demandais en quoi ces pirates que nous poursuivons sont si inhumains, mise à part le fait qu'ils aient une soif aussi sanguinaire. Je veux dire par là que je ne comprends pourquoi ces hommes tuent, pillent ou même violent sans aucune raison. Ils en ont sûrement une.

—Ce sont des pirates, mademoiselle, ni plus, ni moins que des bandits vivants sur la mer, me répondit-il tout en fuyant mon regard et en contemplant la mer bercer son navire.

—Non, vous savez ce que je veux dire. Ils leur aient sûrement arrivé quelque chose de tragique pour qu'ils soient devenus si cruels ; et le plus étonnant, c'est que nous ayons besoin d'une amulette, certainement enchantée pour les combattre.

—Vous avez raison, ils leur aient bien arrivé quelque chose, me confirma James en me regardant droit dans les yeux après un instant de silence. Mais je ne sais pas si je peux vous le dire. J'ai peur que si vous apprenez la vérité, vous ne désiriez plus nous aider.

—James, je vous ai promis que je vous aiderai et j'ai bien l'intention de tenir cette promesse. Et si vous n'avez pas assez confiance en moi, je vais vous accorder la mienne. Tendez-moi vos deux mains.

L'homme me regarda avec curiosité mais devant la détermination de mon regard, il tendit ses mains que je retournai, les paumes vers le ciel. Je plongeai ma main dans la poche droite de la redingote et y saisis mon coffret encore rempli de mon trésor inestimable. Je le déposai dans les paumes rudes du pirate qui observa celui-ci avec hésitation.

—Allez-y, l'encourageai-je, regardez-le de plus près. Peut-être que vous-y découvrirez un indice qui puisse supposer qu'une carte y soit gravée.

Il saisit le coffret plus fermement et le regarda dans tous ses angles. Pendant ce temps, le ciel se couvrit peu à peu et la lune fut cachée par des nuages obscures et impénétrables. Nous nous retrouvâmes obligés de rentrer dans la pièce que nous venions de quitter et le pirate, après avoir continué ces observations, me rendit le coffret que je rangeai délicatement dans ma poche.

—Je suis navré, je ne vois rien, me déclara-t-il avec exaspération. Mais je vous suis reconnaissant de me l'avoir confié. Je vous vouais déjà une grande confiance, mais à présent, rien ne pourra me dévier de celle-ci. Je veux donc bien faire plaisir à votre curiosité, qui me paraît bien vive, et répondre à votre question, chère demoiselle et ainsi, vous conter l'avènement de ces monstres.

—Merci beaucoup, lui dis-je le teint rosi par son appréhension au sujet de mon incontrôlable curiosité. Mais juste une dernière chose avant votre récit qui ne va pas être très court, je présume...

—Vous présumez bien.

—J'aimerais que vous m'appeliez par mon prénom et non par « mademoiselle » ou « chère demoiselle ». Ce sera plus juste, comme vous m'avez demandé de vous appeler par le vôtre, et j'aurai le sentiment de faire partie de l'équipage.

—Mais vous faites déjà partie de l'équipage, Rosélia.

—Vraiment ?

—Mais bien sûr, rappelez-vous ce que je vous ai dit tout à l'heure. Sans vous, je n'aurai déjà plus la force de garder mes hommes dans l'espoir puisque ce sentiment m'aurait quitté si vous n'étiez pas venue avec votre tenue étrange et votre coffret mystérieux.

—Je ne pensais pas que je vous inspirais un tel sentiment...

—Eh bien, maintenant vous le savez, me dit-il en me souriant et en rougissant légèrement ; il se râcla la gorge avant de déclarer : « A présent, je vais vous faire le récit du capitaine de ces monstres car c'est de lui que proviennent ce mal et cette puissance dont ne font que suivre comme des bêtes, les hommes de son équipage. Mais je vous préviens cela risque de prendre plus de temps que vous ne le pensez.

—Ce n'est pas grave, lui répondis-je avec empressement tant j'avais hâte d'entendre cette histoire. Comme je vous l'ai dit, je me suis endormie tout à l'heure et de toute manière, vous avez trop attisé ma curiosité pour que je trouve le sommeil. A moins que vous ne soyez trop fatigué pour me conter cette histoire..., lui déclarai-je sur un ton taquin.

—C'était pour vous que je le disais. Moi, je suis tout à fait reposé, reprit-il sur le même ton.

—Bien sûr, ironisai-je un sourire en coin.

Le Temps d'un Souhait - Première PartieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant