Chapitre 5 : Le récit de Monsieur d'Archin

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Le temps s'écoula, les mois défilèrent accompagnés de leurs saisons et la fin des cours approcha à grands pas. Cela n'avait rien d'étonnant car mes journées étaient bien remplies... Le matin, Monsieur d'Archin nous enseignait l'histoire de pirates légendaires, tels que : Barbe Noire, un abominable mercenaire, ou encore, Anne Bonny qui était l'une des rares femmes à appartenir à la piraterie, mais elle était malicieuse et encore aujourd'hui, étonnante et inquiétante par sa disparition qui reste un mystère pour nombre de personnes...

Ensuite, le professeur nous faisait part des malédictions et légendes abracadabrantes. Cependant, lorsqu'il nous en parlait, un rictus se dessinait sur ses lèvres et il m'apparaissait soudain tel un névrosé...Heureusement, il y avait l'après-midi pour l'adoucir suffisamment pour nous apprendre les méthodes utilisées par les archéologues durant des fouilles. Nous étudiâmes les monuments et les cités perdues découverts grâce à ces chercheurs. Bien entendu, nous ne pûmes tout approfondir, mais ces connaissances étaient très instructives.

L'archéologue qu'était notre enseignant, profita de ces cours pour se vanter de ses propres découvertes. Celle qui faisait sa fierté étant l'épave du capitaine James Rosso, il s'impatientait de nous la montrer et en parlait avec tant d'ardeur, que nous nous demandions si ce n'était pas sa progéniture...

Comme nous n'étions pas très nombreux dans la classe, nous pûmes rapidement faire connaissance et je fus, pour la première fois, appréciée par tous (enfin d'après moi), même par mon professeur loufoque.

En rentrant dans mon « chez moi », je m'empressai de tout raconter à ma mère et profitai, ensuite, des fabuleux dîners concoctés par les cuisiniers de l'hôtel. J'aurais aimé décrire toutes mes journées tant elles étaient plus belles les unes que les autres...Mes promenades le long de la Seine avec mes amis, les fous rires, les cours excentriques de M. d'Archin, les repas succulents de l'hôtel Montaigne, et enfin, les longues discussions avec Annie...Mais tout cela me semble trop lointain et paisible à présent. Non, je me dois de raconter ce qui a tout changé à mon existence...

Les six mois écoulés, nous partîmes tous ensemble, mes camarades, moi et Monsieur d'Archin, pour notre excursion de fin d'année. Tout le monde était fébrile d'impatience, surtout le professeur qui sautait sur place plus qu'il ne marchait...

Durant le trajet en car, il recommença, encore une fois, son histoire sur le capitaine James Rosso et, bien que nous la connaissions à présent par cœur, nous ne pûmes ne pas l'écouter tant son expression mystique qui apparaissait sur son visage attirait notre attention.

—Alors jeunes gens, parés pour l'abordage ? s'était-il exclamé avant de nous regarder un par un de ses yeux taquins. Puisque vous allez être les premiers Hommes contemporains à admirer le majestueux navire de James Rosso, entièrement restauré et découvert par moi-même (sans vouloir me vanter). Enfin, il est bien évidemment nécessaire que je vous rafraichisse la mémoire sur la fabuleuse histoire de ce pirate, que nous connaissons grâce au journal de bord de celui-ci, découvert à St Malo sous le parquet d'une chambre d'auberge, et soit dit en passant, juste pour votre culture, bien entendu, découvert par moi, et oui, je sais, votre professeur est un très grand, génial et célèbre, archéologue français...

Mais voyant nos yeux écarquillés, il s'interrompit et se racla la gorge avant de débuter son récit.

—James Rosso, commença-t-il en prenant un air solennel, naquit dans les années 1650, à peu près, mais fut abandonné dans une misérable ruelle grouillante de chiens contaminés par la rage au beau milieu d'un Paris sinistré par cette épidémie, alors qu'il n'était encore qu'un jeune nourrisson. Heureusement, une femme assez âgée qui passait par là, entendit des gémissements et, étonnée d'entendre quelqu'un dans cette partie de la ville aussi male fréquentée, découvrit un tout petit bébé. N'ayant jamais eu d'enfants et possédant une immense fortune, elle décida qu'un peu de compagnie ne serait pas de refus. Elle l'éduqua et l'aima tendrement, lui apprenant à lire et à écrire, mais aussi toute la science astrale qui la passionnait. Seulement, de malfaisants pirates tuèrent la pauvre femme qui essayait de protéger son enfant. Ils cherchèrent celui-ci, l'appelant par son nom, mais ils ne le retrouvèrent pas et partirent en pillant tous les biens de sa bienfaitrice. Je tiens à préciser qu'on ne sut jamais les véritables intentions de ces pirates, alors vous pouvez imaginer tout ce que vous voulez, du moment que cela reste réaliste (ou pas) ...

Mes amis et moi échangeâmes des regards suspicieux. Jamais notre enseignant ne nous avait paru aussi peu informé car, habituellement, il nous donnait quelques anecdotes amusantes, certes quelques peu irréelles, mais de là à nous laisser nous-même inventer des faits sur SON pirate, ce n'était guère de son habitude. A croire que l'excitation prenait le dessus et lui faisait perdre la tête, à moins qu'il ne nous cachât quelque chose...

—...il courut, reprit le professeur après s'être remis d'une rêverie interminable, courut encore et encore, se cachant dans des recoins obscurs ou voyageant clandestinement à l'arrière d'une charrette. Il ne savait plus où aller ni que faire. Jamais il ne s'était senti aussi seul et tant de questions se bousculaient dans sa tête sans qu'il ne puisse y trouver de réponses : Pourquoi le cherchait-il ? Pourquoi ces pirates avaient-ils assassiné sa pauvre mère ? Il savait qu'elle n'était pas sa mère et qu'il n'était qu'un pauvre orphelin sans avenir, mais il ne pouvait pas les laisser en paix tout en sachant qu'ils avaient tué la seule personne qui l'ait aimé. Il devait la venger et récupérer ses biens mais aussi découvrir leurs intentions, car s'était-il dit, s'ils le cherchaient, peut-être qu'ils savaient des choses sur ses origines, et alors il se sentirait sans doute moins perdu. Arrivé dans un petit port français du nom de St Malo, il s'arrêta dans une taverne, que nous supposons être, mes collègues archéologues et moi-même, celle où J'ai découvert son journal de bord, souligna M. d'Archin. Il y rencontra un capitaine pirate rabougri à qui il raconta tous ses malheurs. Celui-ci frappé par la volonté du jeune homme à venger feu sa bienfaitrice, le prit sous son aile. A la mort de celui-ci, James devint son héritier et fut nommé capitaine, par le reste de l'équipage, d'un navire au nom inconnu. Lorsque j'ai déniché ce bateau au fin fond de la Manche, je sus immédiatement qu'il était celui de Rosso, car, chose étrange et mystérieuse, à l'intérieur s'y trouvait son portrait avec son nom gravé au dos et quasiment intact...

« Enfin, revenons-en à nos petits bateaux... Le jeune pirate se lança alors à la poursuite des brigands. Il raconta (dans son journal) que, durant son périple, il rencontra une magnifique, époustouflante, ravissante...jeune femme et qu'ils combattirent ensemble les malfaisants. Seulement, la demoiselle fut blessée atrocement durant l'assaut et disparut subitement sans laisser de traces. James Rosso qui ne pouvait se résoudre à l'abandonner, elle qui était tout pour lui, murmura-t-il en me lançant plusieurs clin-d 'œil et sourires malicieux, remua ciel et terre afin de retrouver sa dulcinée. Finalement, il la retrouva après des mois de recherches et tous deux vécurent de grandes aventures. Malheureusement, nous ne connaissons toujours pas la cause de l'échouement du navire... Voilà, à présent que vos petits cerveaux ont été reconnectés sur James Rosso, vous pouvez dormir, mais je vous préviens celui (ou celle) qui se met à ronfler, ou à baver se retrouvera bâillonné et tant pis s'il (ou elle) n'arrive plus à respirer ! clôtura-t-il son récit sur un ton dégagé.

Le Temps d'un Souhait - Première PartieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant