Le Temps d'un Souhait - Première Partie

Chapitre 15 : A la poursuite d'un monstre

« Les parents rentrèrent chez eux en début de soirée. Ils étaient vêtus, la mère de riches parures, le père de sa tenue de chasse souillée et n'avaient qu'un seul désir : les enlever le plus vite possible. Hélas, leur souhait ne put être exaucé dans la minute car leurs domestiques les avertirent que leur fille était enfermée depuis maintenant plusieurs heures avec un gentilhomme dénommé Alexandre du Beauchamp.

« A l'annonce de ce visiteur improbable, ils accoururent vers le petit salon dans lequel s'était enfermée la jeune mère pour discuter en toute intimité avec le mystérieux homme.

« La serrure crochetée à l'aide d'une épingle, les de Larive trouvèrent leur chère enfant écroulée près d'une porte, du sang coulant de son ventre et de sa poitrine. La mère s'effondra, trop submergée par le désespoir et le chagrin pour tenir sur ses jambes ; le père hurla de rage et demanda des explications auprès des serviteurs ameutés à l'entrée de la pièce. Il examina le salon dans tous les recoins et finalement, ne trouvant personne d'autre que le cadavre de sa progéniture, conclut que le meurtrier s'était échappé tel un lâche, par la porte vitrée. Celle-ci était entre-ouverte et donnait sur le magnifique parc du domaine familial.

« On alerta la garde et les parents d'Alexandre se retrouvèrent dans une situation chaotique. Ils furent chassés de la Cour et le roi leur ordonna de partir le plus loin possible de la capitale. Ils eurent également le plus terrible des châtiments pour des parents : leur fils fut condamné à la potence, sort réservé aux vulgaires malfrats des mers, appelés pirates, et autres bandits. Ils furent donc exilés mais purent tout de même conserver leur titre de noblesse à l'unique condition de ne plus se montrer devant le roi.

« Quant au mari de la pauvre femme, il reçut une mystérieuse missive alors qu'il entrait dans ses appartements situés à l'opposé de ceux de sa femme. La lettre lui informait qu'il avait été dupé, que l'enfant qu'attendait sa chère épouse n'était pas de lui mais d'un jeune libertin. Pour ne pas salir leur noble nom, les de Larive choisirent de tromper un riche et respectable gentilhomme. L'auteur de cette lettre l'informa qu'il avait sauvé l'honneur du libertin et du mari : la mère et l'enfant n'étaient plus. La lettre était ainsi signée: « votre dévoué Alexandre du Beauchamp ». Le jeune veuf, entendant de l'agitation dans la demeure, se dirigea vers les appartements de sa tendre épouse. Il découvrit avec horreur que ce du Beauchamp avait véritablement assassiné Marie. Il tendit la lettre au père qui se tenait près de sa femme et voyant que celui-ci ne niait rien, le duc de Passiverte partit. Depuis cette étrange soirée, plus personne ne le revit. Certains disent qu'il s'est suicidé, d'autres qu'il a rejoint le vengeur ou encore, qu'il a perdu la raison et erre dans la nature...

« Les deux familles déchirées par ce seul homme partirent chacune de son côté, dans une province reculée, loin de leur triste passé où toutes deux espéraient s'y faire oublier.

« Seulement, avant de disparaître, Alexandre pénétra chez ses parents, le jour même où ceux-ci rendaient leurs dernières obligations auprès du roi. Il emporta toute la fortune qui se trouvait dans la demeure. Ainsi fortuné, il put continuer ses destructions auprès de personnes naïves et innocentes dans des contrés où nul ne songerait l'y retrouver. Le renard avait saccagé le poulailler et, rassasié, il partait loin des chasseurs alertés par les pauvres fermiers, fier de sa sournoiserie. Les du Beauchamp, ruinés et chassés de la Cour, partirent donc avec le peu de fortune qu'il leur restait. En effet, le père, qui était très avare et méfiant, avait caché la moitié de ses biens dans un lieu connu de lui seul. Son fils ne s'était douté d'une telle cupidité et avait pensé ruiner totalement sa famille tellement son butin était considérable. Et il disparut.

« Plus tard, on apprit qu'un nouveau pirate ravageait les océans et pillait les navires royaux et marchands. Il était devenu en quelques mois le forban le plus recherché des côtes et aussi le plus primé. Son affiche de recherches fut placardée dans tous les principaux ports marchands. Les colporteurs racontaient les aventures du brigand, plus affreuses et pittoresques les unes que les autres, aux pauvres paysans et nobles reclus dans des contrées éloignées. Parmi ces personnes se trouvaient les de Larive.