Le Temps d'un Souhait - Première Partie

Chapitre 16 : Le monstre et la sorcière

—Cette marque, chère invitée, la voici...

James me présenta un morceau de papier usé par le temps. Je le pris avec étonnement et le déplia fébrilement. J'y découvris une marque étrange qui reprenait les initiales du nom d'Alexandre Revenger : le A et le R s'entrelaçaient en un seul trait à l'encre noir, simple et pourtant donnant des frissons par les menaces que promettaient la fin de ce même trait, terminé en une flèche pointue.

Je lui rendis son papier, ne sachant que penser. Après tout, ce n'était qu'une signature sans importance.

—Excusez, mais je ne vois toujours pas en quoi ce pirate n'est pas humain. Là d'où je viens, il y a aussi des personnes qui ont soif de puissance et parfois de sang. On appelle ces personnes des sadiques et des mégalomanes. Ce n'est pas pour autant que nous ne pouvons pas essayer de les comprendre, de les aider. Personne ne devient aussi monstrueux que cela sans raison. Peut-être pouvons-nous faire cesser ces agissements en essayant de savoir pourquoi fait-il cela...

—Laissez-moi terminer et vous comprendrez pourquoi personne ne peut sauver ce pirate horrible et sans scrupules.

Il me regarda d'un œil ardent, attendant une réponse de ma part.

—Très bien, finis-je par répondre, croisant mes bras et m'enfonçant dans mon fauteuil tout en le regardant avec défiance. Mais si votre explication ne me suffit pas, attendez-vous à ce que j'essaye de le résonner lorsque nous le retrouverons.

—Parfait, me répondit-il à demi-amusé. Et vous, attendez-vous à être consternée car ce que je vais vous raconter pourrait bien vous laisser incrédule à un point où vous ne saurez plus ce qui est vrai ou faux.

Je m'apprêtais à rétorquer lorsqu'il me coupa :

—Bien, alors où en étais-je ?

« Georges de Larive remercia le jeune homme qui partit continuer son commerce. Le mois qui suivit fut éprouvant pour le vieil homme qui vit sa femme succomber à son chagrin. Et puis un jour, les villageois ne virent plus personne dans le domaine des de Larive. Le veuf était parti, sans prévenir qui que ce soit. Il avait pris avec lui assez d'argent pour former un équipage de braves marins. Ces hommes étaient tous touchés par la cruauté d'un même pirate : Alexandre Revenger. Georges fit l'acquisition d'un magnifique vaisseau et puisque plus rien ne retenait ces hommes sur terre, ils partirent venger leur famille perdue. Cependant, arrivés au lieu indiqué par le colporteur, Georges renonça à aller plus loin. La brume étrange et envoûtante rendait ses hommes fous. Ils prenaient peur et prétendaient voir des ombres sous l'eau. Il jugea donc bon de s'éloigner au plus vite de cette brume qui lui semblait donner des hallucinations. Ils rentrèrent sur la terre ferme de Saint-Malo après plusieurs escales. Les hommes n'arrivaient pas à se remettre de l'épais brouillard. Certains étaient morts étouffés. La brume semblait avoir comprimés leurs poumons, les empêchant de respirer aisément.

« Depuis, le capitaine restait au port avec ses fidèles marins, prenant des nouvelles de l'homme qu'ils cherchaient. Une rumeur que le colporteur ne lui avait pas racontée, par peur ou par ignorance, parvint à lui.

« Le pirate redouté par tous était allé auprès d'une sorcière qui vivait dans des marécages. On prétendait qu'il lui avait demandé un moyen de le rendre plus puissant et plus craint car, depuis quelques temps, le capitaine sanguinaire entendait chuchoter ses hommes, qui s'arrêtaient immédiatement lorsqu'ils le voyaient près d'eux. Les hommes que Revenger avait enrôlé n'étaient que des brigands. La sorcière ne fut donc pas étonnée par la requête (ou plutôt l'ordre) du pirate.

« Cependant, avant de lui accorder quoi que ce fût, elle le prévint qu'elle n'avait pas besoin d'argent mais d'une chose bien plus utile pour ses besognes. L'homme, sceptique, la menaça avec son poignard de la tuer si elle mijotait quelque mauvais tour. Celle-ci loin d'être impressionnée, lui rit au nez.