Chapitre 28 : Le sanctuaire aux crocodiles

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Tout le long que dura notre traversée de Québec au Golfe du Mexique, James se montra distant et plus nerveux que d'ordinaire. Je me demandais si son comportement avait un lien avec notre discussion ou si c'était parce que nous approchions des marécages.

Je passais donc mon temps avec Ben et les marins qui s'inquiétaient de plus en plus sur leur état. L'humidité du climat et les tempêtes qui nous essuyions presque tous les jours, empiraient leur santé.

Certains ne pouvaient plus se lever et restaient alités toute la journée. Je restai auprès d'eux, les veillant de peur qu'ils ne partent comme Antoine. Malgré tous mes efforts et soins, nous perdîmes une dizaine d'hommes. Leur pâleur et leurs yeux livides me hantèrent mais je tâchais chaque fois de faire bonne figure. Ce ne fut que lorsque nous atteignîmes les eaux tumultueuses, alors que je voyais un rayon de soleil percer mes idées noires, que d'autres compagnons périrent. Ayant veillé à leurs côtés toute la nuit, le sommeil avait fini par me gagner et je les découvris étendus raides, statues de marbre balancées par la houle sur leurs branles. A bout de nerfs et perdant tout mon courage, je me serais écroulée par terre si des bras ne m'avaient retenue.

J'éclatai alors en sanglots et me serrai dans les bras protecteurs de James. Comment était-il arrivé si vite près de moi ? Je ne le sus. Peut-être qu'il m'avait veillée. Après toutes ses heures d'insomnie, je n'avais plus vraiment les idées fraîches, peut-être s'en était-il inquiété ? Ou bien, il avait pris le relais pour veiller ses amis ? Ce fut pour cette dernière option que je penchai, même si mon cœur me contredisait...

James me caressa tendrement les cheveux en me murmurant :

—Vous n'y êtes pour rien Rosélia. Dites-vous qu'ils ne sont pas parti seuls. Vous êtes restée auprès d'eux, faisant tout votre possible pour les aider.

—Mais je n'ai pas réussi, sanglotai-je partagée entre frustration et colère. Nous étions si proches du but...

—Je sais, soupira James.

Il prit mon visage et me força doucement à le regarder :

—Ils sont partis rejoindre leur famille perdue et ne souffriront plus là où ils sont. Je sais que c'est dur à admettre Rosélia, mais on ne peut pas sauver tout le monde.

Je réprimai un nouveau sanglot et le contemplai. Ses yeux rougis et les tremblements dans sa voix trahissaient ses paroles réconfortantes. Pourtant, il avait raison. Nous ne pouvions pas sauver tout le monde mais nous pouvions au moins essayer. J'essuyai mes yeux larmoyants et m'efforçai de sourire :

-Vous avez raison. Il ne faut pas que nous nous laissions abattre. C'est ce que veut Revenger. Rendons plutôt hommage à nos amis et allons voir cette sorcière.

James me rendit un sourire accablé. Il me glissa une mèche de cheveux derrière l'oreille et relâcha son étreinte. Une profonde tristesse s'empara de nouveau de moi et je me détournai des beaux yeux noisette qui me contemplaient.

Lorsque je sortis prendre l'air pendant que les autres enveloppaient nos défunts compagnons dans des draps, je découvris les terres marécageuses qui nous attendaient, bordées de lichen et drapées de brume. Comme si le soleil aussi était endeuillé, il s'était réfugié derrière un habit de grisaille. Même les oiseaux n'osaient plus chanter, ni se montrer.

Malgré l'agitation de l'eau, nous décidâmes de partir immédiatement vers les marécages. D'autres compagnons attendaient d'être guéris et souffraient atrocement, il nous fallait nous presser. Nous chargeâmes les corps dans une barque que Ben se chargea de diriger avec quelques marins tandis que James, moi et deux autres hommes les précédions dans une autre chaloupe.

Le Temps d'un Souhait - Première PartieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant