Chapitre 19 : Désespoir et chagrin

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Je grimpai l'échelle permettant de rejoindre le pont supérieur et me dirigeai vers la rambarde. Mes coudes reposant dessus, les mains dans mes cheveux, je contemplais les puissantes vagues qui faisaient légèrement tanguer le navire. Mes yeux me piquaient, des larmes menaçaient de m'échapper et l'air se comprimait dans ma poitrine. L'angoisse et le doute s'accentuaient au fil de mes réflexions. Je remettais en question ma présence sur ce navire, la sincérité de James et de ses hommes : « Pourquoi vouloir rétablir la justice et se faire pourtant appeler pirate ? Et pourquoi devrais-je les aider à accomplir leur propre vengeance ? Pourquoi eux et pas d'autres ? »

Le doute semblait m'attirer telle une ombre dans ses ténèbres. Je laissai alors glisser mes larmes. Je ne savais plus pourquoi je pleurais : était-ce la colère, le désespoir, la déception, ou bien le chagrin ?

Perdue... Pour la première fois de ma vie, la seule chose qui me maintenait debout alors que je pensais être orpheline et rejetée de tous, et qui avait toujours pu me faire espérer, cette chose, ce rêve avait disparu. Je n'arrivais plus à rêver, je n'avais plus d'espoir, plus de merveilles. Juste la réalité.

Et cette réalité était que les pirates, quels qu'ils soient, sont et seront toujours, des brigands, hors-la-loi pour meurtre, vols, ou autres crimes et James, ce pirate vénéré, n'était rien de plus que l'un de ces forbans prêts à tout pour assouvir leur soif de fortune.

Toutes ces questions, ces incertitudes et ces émotions m'avaient tant tourmentée que je n'entendis pas James arriver. Je sursautai en voyant une ombre derrière moi.

—Je suis désolé, s'excusa-t-il en venant s'accouder à côté de moi. Je voulais vous parler de ce qu'il vient de se passer.

Le regard toujours plongé dans l'océan, je murmurai :

—Je n'ai pas envie de vous parler.

—Je pensais que vous me compreniez, déclara-t-il d'une voix sombre et blessée.

—Moi aussi. Je pensais même pouvoir vous aider. Mais je ne suis qu'une stupide rêveuse qui pense que les pirates ne sont pas tous ce qu'ils sont supposés être.

—Vous n'êtes pas stupide, essaya de me raisonner James en me prenant délicatement la main. Seulement, même si ce contact m'était étrangement agréable, je la retirai aussitôt.

—Faites-moi confiance...

—Mais pourquoi ? demandai-je, au bord des larmes.

—Parce que tous les pirates ne sont pas tous ce qu'ils sont...

—Alors pourquoi se font-ils appeler pirates s'ils prétendent être différents ? insistai-je en me tournant vers lui.

Il baissa les yeux devant l'insistance de mon regard. Comprenant que je parlais de lui et de ses compagnons, il s'expliqua :

—C'est vrai que je me suis comporté comme un pirate. Mais comment pourrait-on appeler autrement un homme qui pille, enfreint les lois et même, quelquefois, tue, je dois vous l'avouer...

J'eus un mouvement de recul mais je restai et détournai de nouveau le regard vers l'océan.

—Lorsqu'on est un hors-la-loi, Rosélia, il est difficile de ne pas tuer qui que ce soit pour se sauver et sauver ses compagnons. Et je vous somme de me croire quand je vous dis que j'ai en horreur d'en arriver là...

Son regard cherchait le mien mais le doute était encore trop puissant pour que je le crusse.

—Admettons que vous disiez vrai, avisai-je, sceptique, comment pourrai-je savoir que vous n'allez pas vous habituer à tuer et à être aveuglé par votre désir de vengeance ? Comment savoir si l'homme que je vais aider à venger et à rendre justice aux autres ne va pas tomber dans le même gouffre infernal que lui ?

Le Temps d'un Souhait - Première PartieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant