Chapitre 6 : Complicité et confidences

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Je ne pus m'empêcher de me demander pourquoi le professeur m'avait regardé avec autant d'insistance en parlant de cette femme. J'avais eu l'horrible impression que son regard me passait au rayon X tellement ses yeux lançaient des sous-entendus. Mais je ne m'en fis pas plus que cela car de tous ces six mois passés avec cet archéologue, il n'y avait jamais eu un seul jour sans que celui-ci ne me regarde ainsi...J'en pris mon parti en me disant qu'il était tout simplement dérangé ! Le trajet en car me parut rapide, nous étions partis très tôt le matin et nous arrivâmes sur le port de Saint-Malo vers l'heure du déjeuner. Mes camarades émergèrent de leur demi-sommeil dans lequel ils avaient sombré. Quant à moi, je n'avais pu les imiter car chaque fois que mes paupières tombaient, je me sentais observée et je découvrais M. d'Archin toujours occupé à m'analyser. Lorsqu'il voyait que je l'observais avec réticence, ou qu'il se sentait pris au piège, il me lançait ses fameux clin-d 'œil et continuait sa discussion avec le chauffeur, qui, à en croire son expression, semblait au bout du rouleau. Le professeur lui contait toutes les découvertes qu'il avait faites ainsi que le mystère du navire ayant autrefois appartenu au capitaine Rosso. Je ne voulais pas vraiment écouter leur conversation mais M. d'Archin parlait si fort que j'entendis, malgré moi, celle-ci. Le jour où il découvrit l'épave, celle-ci semblait pratiquement intact. Il savait que le bois se conservait mieux sous l'eau que sur terre, mais jamais il n'avait vu un navire d'une époque si éloignée aussi intacte. Il expliqua également au conducteur, qui ne paraissait pas très intéressé par le sujet, qu'avec ses collègues, ils avaient réussi à retaper, selon ses termes, l'épave et que celle-ci flottait à nouveau sur l'eau prête pour la première visite dont ses élèves, c'est-à-dire nous, avaient l'honneur d'être les premiers visiteurs. Et sur cela, il s'arrêta car discrète comme je le suis, il me vit tendre l'oreille et comme il tenait à garder une part de mystère, il changea de conversation même s'il s'adressait plus à la carrosserie du véhicule plutôt qu'au chauffeur...

Enfin, nous pûmes nous dégourdir les jambes et nous promener le long du quai. Avec quelques amis, nous discutions du discours auquel s'était livré le professeur et je leur expliquai celui que j'avais espionné, contre ma volonté, soit dit en passant. C'était de la faute de ma trop grande curiosité et elle fut d'une telle ampleur que je ne pus résister à écouter l'étrange personnage qu'était Monsieur d'Archin.

Mélanie, l'une de mes amis avec lesquels je m'entendais très bien et à qui je racontais toujours tout et qui était en quelque sorte ma meilleure amie car il était impossible de nous voir l'une sans l'autre, me prit le bras pour m'emmener à l'écart :

—Rosie, tu ne crois pas que tout cela est très bizarre, entre le professeur qui te lance sans cesse des clins-d 'œil, l'épave d'un navire ayant appartenu à un pirate et qui peut à nouveau naviguer parce qu'elle a été étrangement bien conservée... Tu ne trouves pas que ça n'a rien de louche ? Moi, il me fait peur cet archéologue et je trouve que, lorsqu'il parle de son pirate, il te regarde un peu trop...

—Je sais, je l'avais remarqué, mais qu'est-ce que tu veux que j'y fasse, lui répliquai-je.

—Eh bien, j'y ai longuement réfléchi et j'ai trouvé une hypothèse. Admettons qu'il sache quelque chose sur ta famille. Qui sait peut-être a-t-il découvert que l'une de tes ancêtres était la femme de ce James Rosso, me déclara-t-elle. Avoue que c'est possible.

—D'accord, cédai-je, peut-être, mais c'est tout de même étrange...

—Oui je te le confirme...Ou alors, si ce n'est pas ça, c'est que cet homme est un psychopathe...

Nous éclatâmes de rire et rejoignîmes nos amis qui nous attendaient un peu plus loin.

Mélanie et moi nous étions rencontrées dès le premier cours. Elle était arrivée en retard ce jour-là, et pas que celui-ci d'ailleurs, pendant presque toute l'année scolaire, et elle s'était assise à ma table où nous avions pris l'habitude de nous raconter toutes sortes d'anecdotes amusantes lorsque le professeur partait discuter dans le couloir après une sonnerie de fin de cours et que normalement nous devions aller en récréation. Mais les étudiants assistant à ce cours étaient autorisés à rester comme nous faisions partis d'un cursus à part des cours ordinaires de l'université. Mélanie était une personne très frivole, s'habillant toujours avec des robes à fleurs et ayant une coiffure différente chaque jour reflétant son caractère, désinvolte, tête en l'air et curieuse, tout comme moi. Sa chevelure était brune et légèrement frisée d'où s'échappait une mèche qui glissait le long de sa nuque jusqu'à rejoindre son épaule à la peau qui elle, était si bronzée, qu'elle en devenait marronnée. Ses yeux pétillants et châtains chaviraient les cœurs de tous les garçons qui les croisaient. Elle était comme une sœur pour moi et me faisait oublier mes chagrins passés. Dans les moments de mélancolie, elle venait dans mon appartement et nous passions la soirée à raconter des histoires d'enfance. Mélanie adorait me faire rire en contant les exploits désespérés de son petit frère de dix ans à vouloir dérober son journal intime qu'elle écrivait chaque soir et c'est en partie grâce à elle que je me suis mise à écrire mon propre journal. Elle avait toujours vécu à Paris avec ses parents et son frère et partageait les mêmes rêves que moi : vivre une fabuleuse aventure, la plus merveilleuse possible...

Le Temps d'un Souhait - Première PartieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant