The Price of Freedom

|1| Quand le ciel s'abat sur nos têtes

     Je suis enfermée. Dans cette minuscule chambre, avec pour seul mobilier un lit en fer forgé accompagné d'une lanterne au cierge mourant, je me tiens accoudée devant une petite lucarne.

     Je ne sais pas vraiment où je me trouve. Exceptée cette chambre plongée dans l'obscurité, l'espace qui m'entoure m'est complètement inconnu. Lorsque je me tourne vers ma fenêtre, mon regard se retrouve plongé dans un grand amas de nuages gris, m'empêchant de distinguer le paysage qui s'étend à l'horizon.

     Je soupire et laisse mes pieds nus retomber sur le carrelage glacé. Mes mouvements sont lents, je suis épuisée. Je retombe lourdement sur le lit et ferme les yeux. C'est lorsque j'entends des pas se rapprocher que je me redresse aussitôt.

     Une porte s'ouvre et la silhouette d'une jeune femme apparaît dans la lumière du couloir. Elle s'avance vers moi alors qu'un fin sourire se dessine sur ses lèvres. Son visage est partiellement masqué par une brume étrange qui m'empêche d'examiner correctement ses traits. Elle referme la porte derrière elle et seul l'éclat de ses longs cheveux soyeux éclaire à présent la pièce. Fins comme de la soie et brillants tels une étoile dans un ciel d'encre, ils semblent rivaliser avec le feu du soleil.

     Je tends ma main dans sa direction comme pour attraper les rayons de lumière. Elle se rapproche de quelques pas et j'ai soudain l'impression qu'elle va me prendre dans ses bras...mais elle s'arrête. Puis sans qu'elle n'esquisse un seul mouvement, je la voie s'éloigner de moi et les ténèbres s'engouffre de nouveau. Je tente de bouger, de la poursuivre et de découvrir qui est cette femme aux cheveux d'or...mais je ne peux pas bouger. Et c'est à ce moment-là que je réalise que je suis enchainée.

     Je me réveille brusquement, le souffle halétant et le dos couvert d'une fine couche de sueur, comme à chaque fois que je fais un cauchemar. Je me frotte les bras alors que la chair de poule me parcourt la peau et rabats mes draps sur le côté. Mes pieds rencontrent le parquet et j'attrape à taton une veste au hasard avant de me lever sans un bruit. Je descends les marches de l'escalier à pas de loup, en veillant à ne réveiller ma mère, qui doit sûrement dormir.

     Les rayons de l'aube s'infiltrent par les carreaux de la cuisine tandis que j'entreprends de me faire chauffer du thé. Je m'affale sur une chaise, la tasse brûlante entre mes doigts et repense à ce que j'ai vu dans mon cauchemar, la mine grave. Ce n'est qu'un rêve. J'essaye de m'en convaincre depuis longtemps. En vain. Pour moi, ces chaines sont réelles. Je sens encore le métal froid autour de mes poignets. Cette impression d'être enfermée qui habite mes tourments ce n'est pas qu'un rêve, c'est ce que je ressens.

     Je sirote mon thé en silence et ne peux m'empêcher de fixer mes poignets comme si les chaines allaient de nouveau entrer en contact avec ma peau. Mes mains tremblent, mais ce n'est pas à cause du froid. J'abandonne  ma tasse à moitié vide sur la table et remonte à l'étage. J'étouffe. J'ai besoin de sortir, je ne peux plus supporter l'oppression qui m'entoure. 

     Je fouille dans mon armoire et attrape les premiers vêtements qui me tombent sous la main. Un chemisier blanc à dentelle et un pantalon noir tout simple. Je prends un sac à bandoulière et le remplis de tranches de pain et de fromage en passant de nouveau par la cuisine. J'enfile un long manteau et enroule une écharpe de laine autour de mon cou et m'engouffre dans le froid de l'hiver. 

      Je me perds dans les rues jusqu'à atteindre le plus au point de la ville, le clocher de la Grande Place. La vue que m'offre cette tour titanesque est à couper le souffle. J'observe les rues commerçantes en contrebas qui sont toujours noir de monde, même en cette saison où les températures sont les plus basses de l'année. D'ici, les gens sont aussi minuscules qu'une colonie de fourmis. Ils vaguent à leurs occupations sans se soucier de ce qui les entoure.