Le miroir se fracasse, emportant avec lui mes espoirs piétinés. Il n'y a rien. Même sur les pages lisses du dossier, que je tourne et retourne frénétiquement sans plus aucune précaution. Sous mes doigts fébriles, je ne sens que le vide et l'absence des caractères.
Je m'empare de ceux positionner sur les étagères, comme on s'accrocherait à une bouée pour se retenir de sombrer. Toujours, je répète la même action, et toujours le même résultat amer.
Rien. Absolument rien. Les dossiers sont composés uniquement de pages blanches. Un ramassis de papiers nacrés et obsolètes.
Mes poumons se vident d'air et je m'écroule, étranglée par l'étau fourbe de la déception. Mon reflet me toise dans les éclats de ver éparpillés au sol. Il me semble percevoir un sourire mesquin et l'écho de ses ricanements.
C'est risible de constater à quel point je me suis trompée. Mais moi, je ne ris pas. Je n'en ai aucune envie. Parce que l'on s'est joué de moi. Et j'ai été assez stupide pour me faire avoir. Encore une fois.
« Non, non. S'il vous plaît, non. »
Je ne sais pas qui j'essaye d'implorer. C'est ridicule. Je sers les poings. Le ver à mes pieds miroite la fureur qui empoisonne mes veines. Instable et fragile. Froide et acérée.
Luke se précipite à mes côtés d'un pas chancelant, l'inquiétude lui rongeant son doux visage. Mais je ne le vois toujours pas. Je suis trop concentrée sur le miroir. Je le vois lui, qui jubile de bonheur de pouvoir afficher ma détresse, et de l'exposer aux yeux de tous.
La gifle que je reçois est si violente que je vacille. Je papillonne des paupières, sonnée, la main posée sur ma joue palpitante déjà enflée. Je suis prise de court par la force que Luke a employée pour me frapper.
« Tu m'as giflé ?
- Désolé, bredouille-t-il. J'ai paniqué. »
Il hésite et échange un regard incertain avec Aaron. Les enfants s'agglutinent et se veulent discrets en m'observant de l'autre côté de l'étagère, mais je suis trop perturbée pour être gênée. Luke pose une main prévenante sur mon épaule, au cas où mes coudes déciderait de flancher.
« Qu'est-ce qu'il y a ? Me demande-t-il en me faisant m'assoir.
- C'est fini Luke, je déteste sentir le picotement de mes yeux lorsque je lui réponds. Je ne saurai jamais pourquoi mon père est mort.
- On n'a peut-être pas cherché au bon endroit, il se fend d'un sourire mais je ne me fais pas avoir par son optimisme délusoire.
- Il s'appelait John, il était mon père. C'est tout ce que je sais de lui. Tout ce que j'aurai. Un prénom et une photo. »
C'est irréelle de ne réaliser que maintenant que je ne connais quasiment rien de cet homme. Il y a ce que ma mère m'a caché, ce que d'autres m'ont raconté et ce que j'ai découvert par moi-même. N'importe laquelle de ces versions pourrait être celle mon père, ou être complètement fausse.
« Il doit forcément y avoir un autre moyen, s'acharne Luke, refusant de se convaincre de la vérité. »
Je m'oblige à réfléchir et repousse plus loin dans les méandres de mon esprit la partie qui se veut raisonnable et me susurre qu'abandonner n'est pas la pire des solutions. J'entrouvre les lèvres, animée par les germes d'une nouvelle idée. Il y a peut-être un moyen, en effet.
« Toi. »
Aaron se renfrogne en m'entendant l'interpeler si familièrement, comme si mon doigt pointé dans sa direction était une offense à sa personne et pouvait trouer sa chemise sans même que je ne l'ai touché. Il est tellement ridicule.
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The Price of Freedom
Fiksi Ilmiah- liberté ; état de quelqu'un qui n'est pas soumis à un maître La guerre, les explosions, la mort. C'est ce qui compose la vie d'Annabelle, une jeune fille qui tente désespérément de se libérer des chaines du passé. Tout autour d'elle ne cesse de...