|34| Traitresse

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     Les peurs d'autrui ne doivent pas être sous-estimées. Elles agissent comme une maladie contagieuse, infectent les plaies ouvertes, les plus rancuniers et les moins précautionneux. L'humain en générale, est de nature peureuse. Il recule, d'abord, se décide à faire un pas en avant, ensuite.

     Ce qui est parfois imprévisible , c'est de savoir s'il se laisserai consumé par ses peurs nocives, s'il s'inclinera devant elles, ou s'il arrivera à en faire abstraction. Certains seraient même assez courageux pour dompter les leurs.

     La peur attise les cendres de la colère. La colère mènera inévitablement à la destruction. Cela a toujours été ainsi, et cela restera ainsi.

     J'ai appris à mes dépends à ne pas sous-estimer la peur des Hommes. Je ne pouvais cependant en aucun cas me préparer à ce qui m'attendait. J'allais devenir leur bouc-émissaire, ils me blâmeraient pour des actes que je n'avais pas commis. Il n'y avait pas de meilleure suspecte que moi, et par conséquent, pas de meilleure coupable.

     Je ne pensais seulement pas que le simple fait de me laisser respirer deviendrait, par la suite, une menace suffisante à leurs yeux.

     Les pleurs du bébé qui me vrillaient les tympans, les menottes qui pinçaient la peau sensible de mes poignets, la sensation de pure terreur au creux de mon ventre alors que j'anticipais déjà avec anxiété ce qu'on allait me faire subir, tout en sachant pertinemment que personne ne me permettra de me défendre ; ces souvenirs me reviennent vagues et confus depuis mon retour du Laboratoire Central, et ne me quittent plus désormais.

     Une fois le bandeau m'occultant la vue retiré, ligotée et agenouillée, je ne suis plus qu'une poupée de chiffon informe et désarticulée. Radkov tient le rôle du marionnettiste, caché dans l'ombre, manipulateur, il me maintient sous les projecteurs afin que tout le monde assiste à ma chute quand il coupera les fils.

     Je réponds à n'importe lesquels de ses souhaits, puisqu'il a vendu ma conscience. Je ne suis qu'une bête de foire, incapable de réfléchir par moi-même, et il redoute le moment où je serai libre de penser, libre d'agir. Parce qu'il sait que quand la première occasion se présentera, je lui briserai la nuque.

     Mais pour l'heure, je ne peux rien faire. Radkov se languit de me voir ainsi, faussement sans-défense, sur le point de perdre la tête devant toute une assemblée. Il va pouvoir jouer avec moi, m'humilier.

     Enhardis par son succès, il abandonne toutes précautions et caresse avec fascination ma pomme d'Adam parsemée d'écailles. Je fais claquer ma mâchoire, faisant s'accentuer la lueur de triomphe dans ses yeux calculateurs, comme si mon apparence et mon comportement étaient des preuves suffisantes de mon incivilité.

     Puis, il claque des doigts, le contact de sa peau sur la mienne toujours imprimé à l'endroit où il m'a touché, me jugeant comme un vulgaire morceau de viande. Dans la précipitation que provoque son ordre muet, je sens une main serrée furtivement la mienne.

     Je m'accroche à ce soutient fugace, sans chercher à savoir d'où il provient. C'est sans doute le dernier geste doux, dénoué de violence, que je ressentirai avant longtemps. J'espérerais qu'il dure, qu'il m'éloigne un tout petit peu plus de la dure réalité qui m'attend.

« Faites taire ce bébé, ou je m'en chargerai. »

     Un élan de panique me compresse la poitrine. J'encre mon regard dans celui de Galen qui réaffirme sa prise sur le bambin qu'il tient toujours dans ses bras. Des soldats se précipitent pour lui prendre l'enfant mais il refuse de s'en séparer.

« Donne-le Galen, ordonne Radkov. Il n'est plus ta responsabilité maintenant.

- Qu'est-ce que vous allez faire de lui ? Se risque-t-il à demander, un instinct protecteur le gagnant inexplicablement.

The Price of FreedomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant