Cette fois, je suis bien réveillée. Je m'en convaincs grâce à l'élancement de mon bras et le fourmillement dans mon épaule. Lentement, mes muscles tétanisés et emmêlés dans les couvertures se détendent à mesure que je réveille mon corps endolori, témoin du repos que je me suis enfin autorisée à prendre.
Le soleil chasse momentanément les prémisses de mon rêve qui reviendra me hanter plus tard, lorsque le jour fera place à l'obscurité. Les rayons traversent les carreaux, longent les rayures beiges et blanches du papier peint aux murs et continuent leur course pour se fondre dans le lustre en bronze au plafond. Les reflets scintillant recollent par morceaux le plafond fragmenté de l'ombre du cristal.
Le tout formant un halo de chaleur qui embrase mes joues. Je pourrais aisément m'abandonner encore au sommeil, si je ne redoutais pas ce qu'il pourrait me montrer. Ce cocon réconfortant se dissipe et me fait l'effet d'une douche froide quand j'identifie ce qui immobilisait mon épaule depuis le début. Je devine assez bien son état en faignant de la tourner, m'arrachant une grimace douloureuse.
L'attelle telle qu'elle a été posée me donne l'impression d'être à nouveau enchainée. Elle maintient le reste de mon bras dans un angle à quatre-vingt-dix degrés, les scratchs tirant sur quelques mèches de cheveux. C'est pour ton bien. Mon poignet droit quant à lui est bandé d'une épaisse gaine qui me permet tout juste de le bouger.
Ça aurait pu être pire. J'inspecte le reste de mon corps, démotivée par ces nouvelles blessures indésirables. Des côtes fêlées qui me font souffrir à chaque respiration, un mal de crâne cuisant. Je peux toujours marcher par moi-même au moins.
Sortie du lit avec regret, le plancher craque légèrement sous mes pas. J'enfile du mieux que je peux un gilet de laine sur mon dos et quitte ma nouvelle chambre. Je ne me déraidis pas totalement en m'aventurant dans le couloir, bien campée sur mes appuis.
Peu importe que l'on m'est soigné et que cet endroit soit sans comparaison plus chaleureux que toutes les cellules dans lesquelles j'ai croupi. Mon dernier souvenir date de Rose venue nous récupérer aux commandes d'une navette volée et moi qui m'écroule de fatigue sur un siège du cockpit. Entre ce moment et mon réveil, impossible de dire ce qu'il s'est passé. Du pire au plus surprenant. Et j'ai appris à ne pas aimer les surprises.
Les marches de l'escalier émettent un couinement lors de mon passage. Arrivée prudemment sur le seuil, un long hall se prolonge devant moi. J'entends le tintement de la vaisselle qui s'entrechoque et l'eau qui coule d'un robinet.
Guidée par la provenance du bruit jusqu'à une porte vitrée, je m'attends en l'ouvrant à rencontrer mon mystérieux soigneur ou soigneuse de l'autre côté. Aaron me toise par-dessus sa tasse tout en sirotant son contenu, adossé sur un plan de travail de la cuisine. Ce n'est pas lui mon ange gardien.
« Tu sembles déçue de me voir. »
Buvant une nouvelle gorgée, il hausse un sourcil interrogateur. Je mets un moment à me rendre compte que c'est à moi qu'il parle.
« Qu'est-ce qui te fais dire ça ? Je réponds sur la défensive.
- Et bien, tu ne souris pas et tu es rentrée avec l'expression de celle prête à en découdre, ce que je te déconseille, vu ton état. »
Aaron scrute avec curiosité mon visage, surtout mes mâchoires. Son intérêt me met mal à l'aise. Ce qu'il cherche a disparu, à mon plus grand bonheur. Mes canines se sont retroussées, la commissure de mes lèvres s'est recousue. Je visualise pourtant très bien la gueule d'animal défiguré.
« Je ne suis pas d'humeur à sourire, j'élude d'un ton las et fatigué, distraite par la corbeille de fruit sur la table composée de pommes rougissantes qui font gronder mon ventre. »
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The Price of Freedom
Science Fiction- liberté ; état de quelqu'un qui n'est pas soumis à un maître La guerre, les explosions, la mort. C'est ce qui compose la vie d'Annabelle, une jeune fille qui tente désespérément de se libérer des chaines du passé. Tout autour d'elle ne cesse de...