|10| Tu n'es pas seule, plus maintenant

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« Vous êtes tous complètement fous, je déclare dans un murmure à peine audible. »

     Je secoue la tête, incrédule et perdue, face aux propos de cette pauvre vieille femme sénile. Elle me prend pour une apparition céleste envoyée pour les aider dans leur quête absurde. Il m'est arrivée beaucoup de choses incongrues mais de toutes, celle-là est la plus étrange. Dans quoi est-ce que je me suis encore embarquée ?

« C'est dingue, c'est dingue ! »

     L'assemblée devant moi m'observent, la mine sombre alors que je me répète en boucle. Ils doivent penser que c'est moi la folle, à m'agiter sur ma chaise, les yeux exorbités. Je crois que je préférais jouer le rôle de l'ignorante parce que j'ai la désagréable impression qu'on se moque de moi. Je soupire, dépassée par la situation, et joins mes mains sous mon menton.

     Rose, comme cet Aster se sont assis à leur tour et je peux affirmer à leur expression sérieuse que ce n'est pas une blague. Je me contracte. Si tout ceci est vrai, la suite ne va pas me plaire.

« Vous êtes quoi au juste ? Une...une sorte de secte ?

- Une rébellion. »

     Mes mains retombent lourdement sur la table. Mon air éberlué a disparu, mon regard se voile et mes pensées s'échappent à des milliers de kilomètres de cette salle de réunion. Clove Montgomery n'a aucune idée de l'impact que ces mots ont sur moi. Je ne prête plus aucune attention aux personnes qui m'entourent. Deux sentiments contradictoires naissent au creux de ma poitrine, réchauffent mais assèchent mon cœur : L'espoir et la déception.

« Donc les rumeurs étaient fondées, dis-je en me mordant les joues, un goût amer dans la bouche. La rébellion ne s'est pas éteinte en même temps que la fin de la guerre.

- La guerre n'a jamais pris fin, tout comme la rébellion n'a jamais cessé d'exister. »

     Ses paroles réveillent quelque chose en moi. La rancune et l'amertume que je m'efforçais de contenir refont surface. Je fixe Clove Montgomery dans le blanc des yeux et je la sens frémir face au regard que je lui jette.

« Où étiez-vous alors ? Je lui aboie en serrant les points. Où était cette rébellion quand ma mère m'a abandonnée, quand elle m'a vendue aux bras d'un homme pour protéger sa petite personne ?! Cette guerre m'a tout prit ! Et ce n'est qu'au moment où je n'ai plus rien à perdre que cette rébellion de pacotille se manifeste ?! »

     Je n'aurais pas dû dire ça. C'est la première fois que j'évoque cet incident à voix haute. Je n'ai jamais osé en parler à qui que ce soit. Étrangement, le fait de l'avoir crié haut et fort m'enlève un point sur les épaules. Je me sens presque soulagée. Mais j'ai honte aussi, de m'être monter si faible devant ces personnes inconnues qui jugent mon passé.

     Je suis à deux doigts de craquer. Je tourne la tête pour qu'ils ne puissent pas voir les larmes aux coins de mes yeux. Je ne peux pas pleurer, pas maintenant, pas ici, parce que je ne sais pas si je pourrais m'arrêter après.

     Je leur dois des explications, au moins à deux d'entre eux, mais je ne peux pas leur en donner maintenant. Alors au lieu de ça, je me redresse, le dos droit, le regard indéchiffrable, et d'une voix claire et tranchante, je dis :

« Il y a des tas de gens dehors qui espèrent nuit et jour qu'un renouveau arrivera, qu'il mettra fin à leurs souffrances et leur apportera la paix. Je n'en fais pas partie. »

     Je tente d'avoir l'air le plus confiante possible, mais l'émotion qui m'emporte se distingue dans mes paroles. Je pourrais leur mentir, leur dire que cette rébellion était ce que je désirais le plus au monde, mais ce n'est pas vrai. Pour une fois dans ma vie, j'ai envie d'exprimer clairement le fond de ma pensée. Pour une fois, je veux être sincère.

The Price of FreedomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant