|31| Le Laboratoire Central

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Les égouts du Centre sont infectés par la vermine. De toutes parts. L'air est étouffant, compressant. Les odeurs empestent et agressent nos yeux larmoyants. Les déchets s'accumulent en masse, se multiplient comme dans une fourmilière désorganisée, sûrement parce que ceux d'en haut ont plus à délaisser que nous en bas, qui marchons, enfoncés dans la vermine dont ils nous nourrissent.

Les parasites grouillent et nous en sommes imbibés. Ils n'ont pas voulu croire que ces « rats de rebelles » seraient assez démesurés et utiliseraient les égouts pour se faufiler parmi eux. Alors je souris, parce que nous sommes de la vermine et nous pullulons dans leurs eaux usagées sans qu'ils n'en savent rien.

Je cours aux côtés de Luke à travers ce labyrinthe de tunnels. Il fait trop sombre pour distinguer dans quoi nous mettons les pieds mais je devine facilement. Nous nous enfonçons dans la vase et les excréments, tachant de ne pas trop y penser.

Le martèlement des talons de l'adolescent dans les flaques et le rebondissement de l'arme sur sa cuisse me font perdre mon sourire.

Nous attendions, suspendus dans les airs tandis que Rose engouffrait le jet dans les embouteillages menant à l'île du Centre. Luke était nerveux. Je me suis approchée et me suis résignée à lui donner ce qu'il m'a longtemps demandé.

C'est la première fois que je lui donne volontairement une arme. Avant, je m'obstinais à penser que je me suffirai pour le protéger. Depuis tout ce qui s'est passé récemment, je sais plus que jamais que ce ne sera pas suffisant. Pas contre les menaces que nous devrons affronter.

Le bruit mécanique d'une machine me parvient. Notre course est arrêtée par un gigantesque ventilateur de la largeur du tunnel. Ses hélices brassent les nuisibles dans l'air et balayent mon visage perlant de sueur.

« Nous devons nager, nous dit Galen, ne laissant place à aucune complaisance. »

Je réprime un frisson de dégout. Le rebord semble presque accueillant comparé au flux véreux qui s'engouffre sous l'énorme hélice. L'arrêter, si c'était possible, nous demanderait beaucoup trop de temps. Cela ne rend cependant pas l'idée de Galen plus plaisante.

« Ce n'est pas très profond, j'avertis Luke. Mais n'hésite pas à toucher le fond si tu ne veux pas te faire raser par l'hélice.

- Je ne peux pas. »

L'adolescent secoue la tête, pris de nausées. Je soupire, moi aussi bien loin d'être enchantée par cette idée. Luke s'écarte et je vois les larmes lui monter aux yeux. Je ne veux pas l'obliger mais il va bien falloir qu'il le fasse.

« Si, tu peux. Tu n'as pas le choix Luke, je le réprimande. C'est juste un mauvais moment à passer. »

Il me répond par une grimace mais ne proteste plus. Je quitte le rebord, une fois Enola et Rose lancées, et l'encourage à me suivre. L'eau ̶ si on peut vraiment appeler ça comme ça ̶ m'arrive jusqu'à la taille. Je prends une dernière inspiration poisseuse et plonge sous la surface. Le courant créé par la rotation des hélices me résiste mais je bats plus fort des pieds.

De l'autre côté, Enola m'aide à rejoindre la passerelle alors que j'avance à l'aveugle, refusant d'ouvrir les yeux. J'entends Luke cracher avant de se faire hisser à son tour. Il a dû avaler de travers. C'était affreux mais c'est passé.

« C'est abominable, grommelle Aaron en essorant le tissus de sa cape qui ruisselle d'un liquide dense et pâteux. Tout est fichu.

- Oh non, une de moins. Tu peux toujours faire marche arrière, venant de toi ce serait la bonne décision à prendre, lui susurre Enola. Ou la seule. »

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