The Price of Freedom

|13| Prendre son envol

« Tu ne viens pas, je déclare fermement, ignorant les protestations de l'adolescent en face de moi.

- Quoi ? Pourquoi !?

- Tu sais très bien pourquoi. Tu vas rester ici et attendre sagement mon retour. Je t'interdis de venir. »

     Mon ton est sans appel. Luke bouillonne de colère, tout comme moi devant ses caprices puérils. Pourtant, je ne compte pas céder. Je rassemble les dernières affaires dont j'ai besoin, sous les yeux du jeune garçon qui essaye encore et toujours de se faire entendre, mais je l'ignore royalement. J'ai été réveillée à la hâte ce matin, les nerfs encore à vifs de la longue conversation que j'ai eu avec Cassius, la nuit dernière.

     Nous avons discuté jusqu'à tard dans la soirée, éclairés seulement par la lumière bleutée des hologrammes autour de nous. L'ambiance était tranquille, mystérieuse et je pouvais sentir la tension augmenter à mesure qu'il me parlait. Il m'a semblée étrangement calme, bien qu'un voile de nostalgie se lisait sur son visage.

     Il m'a parlée de mon père, de cet homme dont j'ignorais tout, et des nombreuses mésaventures qu'ils avaient traversées ensemble. Je peinais à cacher mon émerveillement et mon désir d'en apprendre plus sur lui.

     Pas plus tard qu'hier, je me fichais complètement de cette absence paternelle dans ma vie et de ce qu'un père aurait pu symboliser pour moi. À vrai dire, j'étais indifférente, je ne ressentais pas le besoin d'une personne aussi importante auprès de moi. L'amour maternel n'avait pas vraiment porté ses fruits et je ne voulais pas risquer d'être à nouveau trahie, engloutie par la solitude, à me demander ce que j'avais fait de mal pour mériter un tel sort.

     J'étais née sans lui, j'avais grandi sans lui, je m'étais débrouillée sans lui. Je n'avais pas besoin de lui.

     Mais maintenant que je sais qu'il était toujours là, quelque part, que si je l'avais voulu, j'aurais pu le rencontrer, je ne peux m'imaginer à quoi aurait ressembler ma vie avec un père à mes côtés.

     Ces doutes qui m'envahissent et me rongent de l'intérieur, je n'ai pas osé les confier à Cassius. Tout était tellement nouveau pour moi à ce moment-là. Je ne savais plus vraiment où j'en étais. S'il a constaté mon trouble, il n'a pas fait de remarques, pensant peut-être que je voudrais un peu de calme et de son silence pour réfléchir et remettre mes idées en place. J'ai hésité à lui rendre la photo de lui et mon père, mais il a refusé.

« Garde-la, m'a-t-il dit, elle te rappellera d'où tu viens. »

     Je fixe sans un mot le cliché en noir et blanc posée sur ma table de chevet. L'incertitude me nouant la gorge. Je le fourre dans une poche de ma veste et reporte finalement mon attention sur l'adolescent mécontent, agacée par ses protestations.

« Écoute, je me fiche de ce que Galen ait pu te dire. Il est hors de questions que tu viennes avec moi. C'est trop dangereux. Je serai plus tranquille de te savoir ici, en sécurité, à la base. »

     Cette fois, il se tait. Je me pince l'arête du nez, avec une mauvaise impression de déjà-vu. Lorsqu'il trouve le moyen de me contredire, je le coupe.

« On a déjà eu cette discussion un milliard de fois, et je me souviens encore de comment ça s'est mal terminé la dernière fois. J'en ai assez de devoir te surveiller en permanence, sous peine que tu nous mettes tous les deux en danger. »

     Je réalise trop tard ce que j'ai dit. Mes mots l'ont blessé même s'il est trop fier pour le montrer. Le regard qu'il me lance me pince le cœur, mais je ne laisse rien paraître non plus. Si sa colère contre moi peut l'empêcher de commettre des folies, c'est tant mieux. C'est mieux comme ça de toutes façons.