The Price of Freedom

|20| Le message

     Je ne m'imaginais pas revenir de sitôt à cet endroit, surtout après ce que j'y avais vécu. C'est fou tout ce qu'il peut arriver en seulement deux jours. Avant-hier, je passais la porte de ce bar accompagnée d'Aster et deux autres rebelles. Maintenant, j'y suis avec Rose, à la recherche de son cadavre. C'est fou combien le monde d'une personne peut s'écrouler en moins de deux jours, et les conséquences qui s'en suivent.

     Le bar n'est plus qu'un champ de ruines au milieu des rues désertes en plein jour. Le grand trou qu'il laisse entre deux bâtiments voisins nous fait demander s'il a jamais existé. Pourtant, il était bien réel, ainsi que les horreurs qui y ont eu lieu.

     Revenir ici me provoque une multitude d'émotions que j'avais tant bien que mal essayé d'appréhender. Mais je sais cependant qu'il serait inutile de les refouler. La haine et la peur que je ressens ne me sont pas singulières, beaucoup de gens sont dans le même état que moi. C'est à eux que mon message s'adresse.

     Rose avance d'un pas incertain sur les tonnes de gravats, impressionnée par ce paysage dantesque. Un silence de mort englobe les lieux, de la fumée s'élève du sol bétonneux délabré. C'est un choque, un tel calme, après avoir connu les fêtes endiablées de la boîte de nuit. La Taverne a été complètement rasée de la carte. Les marques des griffes acérées de la bête, autrice de ce massacre, sont tracées à même la roche. Elles font la largeur de ma cuisse.

     Mais je reste persuadée qu'elle n'a pas pu réduire en poussière chaque parcelle de ce bâtiment à elle-seule, et je soupçonne le Centre d'en être coupable. Peut-être voulaient-ils effacer toutes traces de l'incident, comme le souhaitait Clove. Ce qui est sûr, c'est qu'ils n'avaient pas prévu que des rebelles remettent un pied ici, aucun garde ne nous empêche de nous approcher. Pourtant, ils sont forcément venus ici car le corps d'Aster est introuvable.

« C'est inutile Anna, soupire Rose en descendant d'un morceau de mur tombé au sol. Il n'y a rien ici. Ils l'ont emmené. Ils ont emmené Aster.

- Nous devons continuer, nous avons peut-être mal cherché.

- C'est inutile, répète-elle en secouant la tête. Je ne pourrais même pas lui offrir un enterrement. »

     Sa voix tremblante m'alerte. Elle a les larmes aux yeux et le menton frémissant. Je ne l'ai jamais vue aussi démoralisée. Je m'approche d'elle et sers son épaule dans un geste maladroit pour la réconforter.

« Je suis désolée, je ne voulais pas te faire de faux espoirs.

- Ce n'est rien, la jeune femme m'offre un sourire crispé et ravale ses larmes. Nous avons des choses plus importantes à faire, un message à délivrer, un hommage à rendre. »

     J'acquiesce silencieusement tandis qu'elle passe devant moi et ressers les sangles de son sac à dos autour de son épaule. Je suis navrée pour la jeune femme. Son amant n'aura pas d'enterrement digne de ce nom, mais je ferai en sorte qu'il ne disparaisse jamais des mémoires. J'y compte bien.

« Ce n'est pas le seul corps qui a disparu, je m'aperçois, les sourcils froncés faisant se retourner Rose. Il n'y a que du sang, ici. Pas de cadavre. Ils savaient qu'on reviendrait alors ils les ont effacés.

- Effacer quoi ? Des indices ?

- Des preuves ! Cela ne peut signifier qu'une chose : le Centre a quelque chose à cacher. Ils ne s'attendaient pas à ce que la bête surgisse, alors ils ont maquillé le tout. Sans cadavre, on ne peut pas prouver que quelqu'un est mort. Sauf que le bête n'a pas tué tous ceux qui se trouvait à la boîte de nuit, ce soir-là. Galen, Enola et moi sommes toujours en vie et nous avons tout vu. Trois témoins, c'est très ennuyeux.