The Price of Freedom

|12| Souvenirs immortels

     Mon combat avec Aster m'a mise dans un état misérable. Tandis qu'il était tombé dans les pommes et qu'il écopait de deux côtes fêlées, je m'étais relevée avec une lèvre fendue, un hématome qui gonflait à chaque minute au niveau de l'œil gauche et une bosse naissante sur le front. Le coup de genoux reçu dans le ventre m'a laissée de nombreux bleus à l'abdomen et dont la couleur virait au gris. Je me sens encore un peu nauséeuse.

     Malgré mes muscles qui me font souffrir, je tourne en rond en faisant les cent pas, impatiente de savoir quand je pourrais enfin sortir d'ici. Après mon combat, j'ai été conduite à l'infirmerie où on m'a ordonnée de rester tranquille jusqu'à ce que je sois rétablie. Je n'ai cessé de répéter que j'allais très bien mais l'infirmière a été intransigeante. Et pour être honnête, ma tête me faisait un mal de chien.

     La pièce tournant autour de moi, je décide de m'assoir sur le lit mis à ma disposition pour me reposer un peu. Pourtant, je sais pertinemment que je ne pourrais pas dormir. Aster était encore inconscient lorsqu'on l'a emmené, et je ne sais pas si je devrais en être fière ou m'en vouloir. Je n'aurais pas dû céder à sa provocation mais je me voyais mal me défiler après la promesse que je m'étais faite.

     Je me souviens encore de la violence avec laquelle je l'ai balancé dans les filets et de son regard surpris. Tout s'est passé tellement vite, personne n'aurait pu prévoir ce qui allait arrivé. Pas même moi. Je repense au courant d'énergie qui m'a envahi et à cette force indestructible que j'ai ressenti. J'observe vaguement mes mains, ne savant pas vraiment quoi en penser.

     Tout est tellement différent depuis que je suis arrivé ici, tellement étrange ! J'ai l'impression de perdre le contrôle et la pression qu'on fait pesée sur mes épaules me rend de plus en plus nerveuse. C'est à n'y rien comprendre !

     Je me revois sur le ring, prête à tout pour me défendre. Aujourd'hui je n'ai pas fait que prouver à Aster que je méritais ma place parmi eux, pas plus que je leur ai montrés que j'étais déterminée à me battre, mais j'ai surtout réussi à me prouver que je n'étais plus cette petite fille apeurée fuyant la maison de sa mère.

     L'infirmière revient enfin, armée d'un bloc note. Elle m'inspecte de son regard perçant et vérifie une dernière fois mes blessures. Je n'ose rien dire et cache maladroitement mon empressement. Je meurs d'envie de lui demander une énième fois quand je pourrais sortir mais quelque chose me dit que ça ne ferait que l'agacer davantage. Finalement, et après m'avoir fait jurer de prendre les médicaments qu'elle m'a prescrite, je suis enfin autorisée à quitter l'infirmerie.

     La soirée est déjà bien avancée quand je sors dans le couloir, et je me rends donc à la cafétéria, le ventre creux. Sur le chemin, je remarque un groupe d'hommes vêtus de noir qui longent les couloirs en sens inverse. Ils passent à côté de moi comme si je n'étais pas là. Je les suis du regard jusqu'à ce qu'ils disparaissent à un tournant. C'est un cul de sac. Qu'est-ce qu'ils peuvent bien faire là-bas ? Mon ventre me ramène à la réalité et je ne me soucis plus d'eux.

+++

« Anna ? Tu m'écoute ? M'appelle Galen à l'autre bout de la table.

- Euh...non, j'avoue, sortant de mes rêveries. Tu disais ? »

     La disparition de ces hommes en noir me trotte dans la tête, bien que j'essaye de ne pas y penser. Où sont-ils donc passés ? Ils semblaient vouloir se faire les plus discrets possible, comme s'ils craignaient d'être épiés. Je me demande bien pourquoi.

     Je n'ai pas dit un mot depuis que je suis entrée dans la cafétéria et c'est tout juste si j'ai fait attention à Enola qui me faisait signe à l'autre bout de la pièce, accompagnée de toute sa troupe. Luke manquait à l'appel. Je me suis assise avec eux à contre-cœur, et suis restée muette depuis le début du repas. Il y a moins de monde que je l'aurais cru, comparé à ce matin dans la cafétéria, qui offre à présent un silence apaisant.