|28| La Sentence

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Du haut de son estrade, le Maréchal Radkov s'impatiente, en même temps que la tension s'accumule et grandit parmi l'assemblée. L'écusson du Centre scintille en lettre de bronze, épinglé à sa poitrine. Pareil à la mosaïque sous mes pas. J'en frémis d'écœurement. Je ne devrais même pas être là.

« Eh bien alors ? S'enquit Radkov. Parlez, puisqu'on vous le demande !

- Pour être honnête, je ne comprends pas vraiment de quoi je suis accusée. Sauf votre respect Maréchal, je ne crois pas être la mieux désignée pour être suspectée de trahison.

- Qu'insinuez-vous par-là ?

- J'insinue que cet insigne sur votre torse en est le parfait exemple, je réplique sans mâcher mes mots. »

Une rumeur parcourt avec frénésie la salle outrée par mon insolence. Les gens commencent à s'agiter. Je garde mes yeux encrés dans ceux du Maréchal Radkov. Surprise moi-même par ma propre audace, je n'en ressens pas moins une profonde fierté.

Il ne bat pas d'un cil. Un éclat subtil transparaît dans ses yeux, avant de disparaître presque aussitôt. Je réussis à l'apercevoir très furtivement. Sa fureur. Dangereuse. Écrasante. Je déglutis avec appréhension. Il va me réduire en poussière.

« Sommes-nous ici pour discuter de votre sentence, ou de la mienne ? Demande-t-il d'une voix étrangement calme.

- Je suis innocente, je riposte sans me départir de mon aplomb. À vous maintenant. Vous pensez-vous lavé de tous vos crimes ? Je serai curieuse de connaître plus amples détails sur votre soudain retournement de veste.

- Cela suffit Annabelle, m'interrompt Clove, qui jusque-là n'avait fait qu'assister à notre échange houleux. Je ne tolérerai pas d'autres manques de respect envers ton supérieur. Quoiqu'ait fait Radkov, ce n'est pas le sujet. »

Je serre les poings à en faire blanchir mes jointures, me retenant de hurler à cette femme tout ce que je pense d'elle et de mes soi-disant ''supérieurs''. Devrais-je me taire ? Vraiment ? Lorsque je dis tout-haut ce qu'ils pensent tous tout-bas ? Je préfèrerai avoir la langue coupée plutôt que de me taire pour toujours.

« Cet homme a tué des milliers de personnes pendant la Guerre des Insoumis ! C'est lui qui a commandité la traque des rebelles. Ceux à qui on faisait exploser la cervelle sur la Grande Place des villes, pendant que les autres étaient forcés de regarder ! »

Je pose une main sur mon cœur. Je le sens palpiter sous mes doigts, si fort que tout le monde pourrait l'entendre tambouriner dans ma poitrine. Je balaye mon regard dans l'assemblée et en croise autant que possible en retour. Je suis comme eux ! Ne comprennent-ils pas que c'est aussi mon combat ?

« Vous avez oubliés ? Je crie assez fort pour être entendu de tous. Vous croyez que vos défunts parents ont oublié, eux ? Combien d'enfants sont devenus orphelins parce que cet homme l'avait décidé ? C'est entre ses mains que repose mon sort, alors qu'il devrait se trouver à ma place pour ses atrocités ? »

Je pointe un doigt accusateur sur Radkov, tout en faisant un pas en avant vers lui. Deux gestes trop brusques. Le cliquetis d'une arme chargée est mon premier avertissement. La méfiance chez le rebelle qui s'approche est le second.

« Mademoiselle Ambrose, me prévient celui-ci. Eloignez-vous de l'estrade et rejoignez calmement le cercle. »

C'est une chose d'être menacée par un fusil parce qu'on transgresse les règles. S'en est une autre lorsqu'on est considéré comme une menace pour autrui. Je n'avais encore jamais fait peur à quelqu'un. Je ne me pensais pas assez dangereuse pour effrayer, surtout un homme armé.

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