Nous avons fait nos bagages en hâte, n'emportant que le strict nécessaire vital. Cela m'a semblé étrange. En moins, d'une heure, j'avais rassemblé toute ma vie dans un unique sac, puis zippé prestement la fermeture éclair avec l'intention de ne pas la rouvrir avant un long moment.
Ou du moins, pas avant d'avoir mis le plus de distance possible entre nous et la faussement paisible maison au bord de la mer.
M'arrêtant promptement aux pieds de la rampe du jet que nous prendrons pour évacuer, mon seul regret est de laisser quelqu'un de plus derrière moi. Je tourne sur mes talons, à quelques pas de rejoindre Rose et Amir en pleine discussion.
J'œil les deux sans un bruit, hésitant à m'imposer alors que le majordome remet entre les mains de mon amie un petit paquet. Le visage de la jeune femme s'illumine en découvrant son contenu : un sandwich de beurre de cacahouète et piment d'Espelette. Son nouveau casse-croute favori apparemment.
Rose l'entraine dans une ferme embrassade, auquel Amir répond d'abord avec réticence, mais il finit par se détendre et j'aperçois même un fin sourire faire frémir sa moustache parfaitement bien taillée.
Ce détail me fait refouler un rire. Une fois remis de sa transmutation, en bon gentleman, son premier réflexe a été de mettre une chemise et un pantalon de soie plus convenable. Devrait-il se battre à mains nues qu'il le ferait en costume trois pièces, et avec style s'il-vous-plaît.
Rose et Amir se séparent, échangeant un dernier hochement de tête contraint avant de se tourner d'un même mouvement vers moi. Je me suis fait remarquer, en fin de compte.
« Venez avec nous, je lui demande, si ce n'est lui commande, une fois que Rose ait grimpé dans le jet, où attendent Galen et Luke endormi. »
Mon professeur ne bouge pas une oreille, pas même pour mimer ma surprise en entendant mon ultime requête. Il a fini par bien me cerner, après tout.
« Tu sais bien que je ne peux pas, Anna, me dit-il de son air navré, son tutoiement soudain ne passant pas inaperçu.
- Bien sûr que si ! Que feriez-vous tout seul dans une maison en ruines ?
- Je vais la reconstruire, ainsi elle redeviendra un foyer pour d'autres à venir et à revenir. Je ne reste jamais seul très longtemps.
- Vous voulez vraiment que je le dise, c'est ça ? Je soupire, une pointe de reproche dans la voix. Très bien. J'ai besoin que vous veniez avec moi. »
Cette vérité voudrait n'être jamais avouée, mais j'en ai assez de laisser la honte enterrer ma vulnérabilité. Cette vérité, je la délivre haut et fort, à quiconque voudrait l'entendre, mais surtout à lui.
Les yeux d'Amir se plissent, attendris par mes paroles. Son poing se sert sur mon épaule, de ce geste familier auquel je me suis surprise au fil des jours à ne plus vouloir repousser. C'est sa manière à lui de me dire qu'il veut que je l'écoute attentivement.
« Tu avais besoin de moi Anna, plus maintenant. Je t'ai conseillé autant que je pouvais, transmis tout ce que je savais. Le reste ne dépend plus que de toi, à présent.
- Mais vous n'avez pas terminé votre travail ! Je ne sais toujours pas transmuter, je peux toujours faire du mal aux gens !
- Serais-tu en train de remettre en question mes aptitudes de professeur ? S'enquiert Amir d'un air faussement offensé. »
Bien sûr que non ! Je voudrai pouvoir le lui crier. Mais j'ai beaucoup trop de respect pour lui et m'énerver de la sorte, particulièrement contre lui ne réglerait rien du tout. Il sait que je suis effrayée. Ma peur ne s'est pas envolée en quelques jours. Et je redoute le moment où je ne pourrai plus compter sur ses conseils pour m'apaiser.
VOUS LISEZ
The Price of Freedom
Sciencefiction- liberté ; état de quelqu'un qui n'est pas soumis à un maître La guerre, les explosions, la mort. C'est ce qui compose la vie d'Annabelle, une jeune fille qui tente désespérément de se libérer des chaines du passé. Tout autour d'elle ne cesse de...