|7| Un appel funeste

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     La porte de ma cellule s'ouvre dans un fracas assourdissant. Je me redresse en position assise sur mon lit. Le matelas est tellement fin que les ressors me rentrent dans la peau. Deux soldats entrent dans la pièce et empoignent fermement la veste de mon voisin. Il se débat de toutes ses forces avant d'être maitrisé rapidement et emmené en dehors de la cellule. Je l'entends supplier les gardes à l'autre bout du couloir mais ses cris sont bientôt étouffés par les épais murs de pierres.

     Je quitte le haut de mon lit superposé et me place devant l'évier pour me passer de l'eau glacée sur le visage. Je frotte mes mains pour enlever la crasse sous mes ongles où la poussière et la terre se sont accumulés au fil des jours.

     J'inspecte chaque centimètre carré de mon corps. Je roule des épaules, me masse la nuque, et essaye du mieux que je peux de détendre mes muscles endoloris. Mes dents grincent alors que je reprends appuie sur mes deux jambes. Contre toutes attentes, elles ne sont pas cassées même si quelques douleurs fantômes m'attaquent parfois dans mon sommeil. Cela a été un soulagement de constater qu'elles n'avaient pas subi de trop gros dégâts, exceptés pour mes genoux qui sont maintenant recouvert de bleues qui commencent à tirer vers le jaune.

     Je pense à ce prisonnier qui vient d'être emmené et soupire en me disant que mon sort serra tout aussi funeste que le sien. Mes yeux vagabondent sur le miroir en face moi. Je ne ressemble en rien à cette jeune fille fuyant sa maison familiale. J'ai vingt-trois ans maintenant et je ne sais pas si j'aurais l'occasion d'en fêter un autre de plus.

     Puis, l'image d'un garçon à la figure souriante et à la chevelure bouclée m'apparaît. Luke. Oh Luke. Où est-il à présent ? Est-il seulement encore en vie ? Je sers les points. Evidemment qu'il est encore vivant. Il est bien trop malin pour se faire prendre une deuxième fois, et il connait bien la ville et toutes les cachettes qu'elle renferme. S'il y a une chose que j'ai réussi à lui apprendre, c'est à se cacher et à attendre que le danger passe, même si la discrétion n'a jamais été son fort. Il a toujours eu cette fâcheuse manie d'attirer les ennuies là où on en veut pas. Je me demande de qui il tient ça...

     C'est un débrouillard, malgré son caractère agité, je ne devrais pas m'en faire à ce point pour lui. Là, tout de suite, je ferais mieux de m'inquiéter pour moi. J'ai eu beau inspecter cette cellule de fond en comble, il n'existe aucune porte de sortie. Logique. Si les détenues s'échappaient si facilement de cette prison, il y aurait un problème. Rien. Pas le moindre petit trou de souris. Juste un lit escamotable, des toilettes, un lavabo et des graffitis sur les murs. Adieu ma chère et tendre liberté.

     Pourtant, ce n'est pas ça qui m'attriste le plus. Il y deux ans, je n'avais rien. Seulement le goût amer de la solitude et la faim qui me rongeait le ventre. Et Luke est arrivé, et j'étais contente de ne plus être seule face à ma misère et de porter un peu du poids de la sienne sur mes épaules. Mes yeux me piquent. Ah, je ne suis pas si émotive d'habitude !

     J'essuis mes joues humides et esquisse un petit sourire. Malgré tout, cela me réjouit d'avoir pu lui permettre de vivre cette vie d'aventures qu'il désirait tant. Peut-être qu'il réussira à accomplir les rêves que je n'ai jamais eu la force de réaliser. Je m'en veux de le laisser comme ça, il est si jeune, et de nouveau seul à présent. Je me mords la lèvre inférieur et balais cette pensée d'un revers de la main. L'heure n'est plus aux remords. C'est égoïste, je sais, mais je ne peux plus rien faire pour lui.

     La lourde porte de fer s'ouvre à nouveau et les soldats s'engouffre à l'intérieur, un peu trop tôt à mon goût. Ça y est. Je vois le bout du tunnel. C'est bientôt la fin. La panique m'envahie. Je ne peux pas ! Je ne peux pas mourir ! Pas maintenant ! Pas ici ! Je ne suis pas prête ! Je ne veux pas !

The Price of FreedomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant