31. Champignon ex machina

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31. Champignon ex machina
(by Kiwi)

T'es un terroriste. T'as volé des clones, tué des gens. T'as toujours su que tu pouvais te faire prendre, et ce qui t'attendait si ça t'arrivait. T'es prêt à être jugé. Tout ce que t'as fait de bien et de mal, t'es prêt à être jugé pour ça. T'as pas le droit de flancher, t'as pas le droit de t'apitoyer sur ton sort. Tu savais que ça pouvait arriver, et t'étais prêt. Interdiction de pleurer. Interdiction de... penser à... pourquoi... chut maintenant.

— Noms de tes complices, dernier avertissement.

J'ai gardé les dents serrées. Si je l'ouvre, je hurle. C'était mon deuxième jour de garde à vue, j'étais épuisé. J'avais pas décroché un mot mais ils avaient déjà mon nom et mon adresse. C'était qu'une question d'heures avant qu'ils trouvent celle de mes grands‑parents, si c'était pas déjà le cas. L'avocat que m'avait envoyé ma famille a passé tous nos entretiens à essayer de me convaincre de tout avouer, dans l'espoir d'alléger ma peine, je pouvais pas lui faire confiance. Les flics s'énervaient de mon silence, ils essayaient de me foutre la trouille à coup de menaces et d'intimidation, c'était pas si terrible franchement, au moins ça m'empêchait de réfléchir. Je craignais les moments où ils me laissaient seul avec mes pensées.

— TES COMPLICES CONNARD ! L'ENDROIT OÙ T'AS PLANQUÉ LES CLONES VOLÉS !

Je ne m'étais pas rendu compte d'à quel point FdB avait pris une place importante dans ma vie ces derniers mois. J'avais admiré sa bravache, son insolence. Alors c'est normal que par réflexe, je me sois demandé ce qu'il aurait fait dans ma situation. J'ai souri aux flics qui m'interrogeaient, et j'ai puisé dans la force que je tenais de lui :

— Vous les trouverez jamais.

L'interrogatoire a duré trois bons quarts d'heure, et ils ont fini par en avoir marre de moi, ils m'ont jeté à l'arrière d'une fourgonnette, direction la maison d'arrêt de Nanterre en attendant mon procès. Je ne suis tellement pas une menace pour eux qu'ils me laissaient sans surveillance : ils m'avaient enlevé tous mes membres dès mon arrestation, soi‑disant parce qu'ils étaient considérés comme des armes de catégorie D. Les jambes de mon jean pendaient comme des fantômes, si je les regardais ça me faisait paniquer. J'ai horreur de ça, être privé de mes jambes. Mes bras c'est pas pareil, je le gère mieux, mais putain ils avaient aucune raison de m'enlever mes jambes.

J'aurais préféré qu'on laisse un gardien avec moi, ça m'aurait obligé à garder la tête haute, à essayer d'être fort. J'ai besoin des autres, moi, tout seul j'arrive à rien, c'est trop dur de jouer la comédie quand il y a pas de public. J'arrive même pas à être en colère. J'ai juste peur. Le flic qui m'a installé dans le camion, après m'avoir porté comme un rondin, il m'avait dit:

— Tu fais le malin, petit mignon. Tu joues les héros. T'as bien raison. Profite, va. Parce qu'on va te foutre en isolement pour le restant de tes jours, et un homme‑tronc comme toi, tu pourras même pas t'amuser à repeindre les mur avec ta merde, tu vas t'ennuyer jusqu'à devenir dingue, tu verras personne. Tu pourras plus bouger parce qu'on va jamais te rendre tes jouets. Ce sera comme d'être enterré vivant.

— Un sort horrible, pas vrai ? m'étais‑je moqué. Des millions d'êtres humains vivent dans ces conditions alors qu'ils n'ont commis aucun crime. Il y a deux jours j'en ai sauvé 12 000. Et toi ?

J'espérais un coup de matraque qui m'assommerait, mais il a seulement refermé le fourgon en ricanant. Je me suis rendu compte une fois seul d'à quel point j'étais terrorisé. L'isolement et la paralysie... je crois que je préfèrerais la violence et la torture à ça. C'est ce qu'il y a de pire. Avec peut‑être l'abandon. Être trahi. Les gens que tu aimes qui détournent les yeux. Merde, qu'est‑ce‑que j'ai pu être con.

Kiwi ex machina - seconde partieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant