59. Road trip avec Driss Diak

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59. Road trip avec Driss Diak
(by Victor Carmin)

On a commencé, jour après jour, à organiser le plan de Kiwi, tout en évitant d'y penser. Tuer les clones, Chibi, et si la France perdait, des employés ou nous‑mêmes. J'arrivais pas à croire que j'en étais là. Mais qu'est‑ce que je pouvais faire d'autre ? Laisser tomber ? Rentrer chez moi, chercher du taf, oublier Kiwi ? Je rêvassais à ça, des fois, à coups de « et si », c'était agréable. Mais si je pouvais me le permettre c'est parce que c'était tellement loin d'être un truc envisageable, c'était du conte de fées.

Alors avec les autres, on avait commandé la nitro, récupéré un camion pour la transporter, trafiqué des uniformes de l'usine d'amniofluide... On regardait le foot, aussi. La France venait de passer les huitièmes de finale, plus que deux victoires et on était sauvés. Les matchs étaient un cauchemar absolu, pas du tout fun comme ils devraient, ça me tuait d'angoisse. Le dernier, à la fin de la première mi‑temps on était menés 2‑0 par le Brésil, j'étais au bord de la crise de panique. Heureusement on était remontés au score. Pfiou.

Il y avait un autre truc à faire avant la finale : on devait aller récupérer Litchiasse et Noisette, qui étaient dans une sale situation. Les partiels étaient passés, le nombre d'étudiants déters entre nos potes et les CRS s'était maintenu, surtout qu'avec la coupe du monde personne voulait aller nulle part, mais en juillet/août, tout le monde allait se barrer en vacances à Ibiza ou chez papy‑mamie. C'est ce qu'ils disaient à la télé, la police entrerait dans les facs à ce moment‑là, suffisamment protégés et en surnombre pour pouvoir neutraliser les étudiants sans violence, soi‑disant. Les leaders du mouvement appelaient à la cohésion et à ne rien lâcher, mais s'ils s'étaient inscrits au Club Med les deux dernières semaines de juillet, qu'est‑ce qu'ils pouvaient y faire ?

Quant aux clones, qui sait le sort qui leur serait réservé. Kiwi et Litchi discutaient souvent de ça au téléphone. Je savais pas s'ils avaient une solution, les clones réveillés par les étudiants en médecine étaient trop nombreux pour qu'on puisse trouver un endroit où les planquer. Ils étaient 214, répartis dans toute la France. Il faudrait les nourrir, les cacher... S‑Nin était pas assez puissant. Il nous restait à espérer que l'attaque de Santorga change le destin de ces 214 ex cobayes.

Tout ça pour dire que Diak et moi on a été envoyés récupérer Noisette et Litchi avant que ça pète. En vrai, Kiwi n'avait demandé qu'à Diak mais l'ambiance à la maison était trop pesante, alors je suis venu avec lui pour pas qu'il s'ennuie. Je suis un petit ami modèle, dites‑moi ! Bon, et aussi je voulais lui parler sérieusement :

— Dis...

Il a baissé le volume de la radio. Il avait l'air de bonne humeur malgré l'horreur qui se profilait à l'horizon. J'avais du mal à comprendre. Si vous voulez mon avis, c'est probablement moi qui le rendais heureux comme ça. Je vois pas d'autre explication.

— Je t'écoute.

— T'es vraiment d'accord avec tout ça ? Tuer Chibi ? Et les clones ?

— Je suis contre le clonage, Carmin, tuer ces clones c'est ce qu'on peut faire de plus lucide. On a déjà tenté de les libérer, et tu vas me trouver naïf mais j'y croyais fermement. Voir Santorga les réendormir un par un après parfois six mois de conscience, réendormir Chibi que tout le monde a pourtant vu à la télé parfaitement lucide... On doit admettre que ça ne fonctionne pas. Les gens sont indignés mais pas jusqu'à la révolte. Alors qu'est‑ce qu'on peut faire d'autre pour les clones, que stopper tout ça ? Ce n'est pas de leur faute, mais leur existence est une erreur. Un crime. Si leur mort peut affaiblir l'industrie du clonage, c'est un sacrifice qui vaut le coup. Quant à Chibi...

Kiwi ex machina - seconde partieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant