53. Ma loyauté légendaire a encore frappé

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53. Ma loyauté légendaire a encore frappé
(by Victor Carmin)

C'était le moment que j'attendais pour lui demander pardon. Kiwi et moi on était seuls et en sécurité. On avait tout le temps. J'avais rêvé ce moment, j'avais cru que ce serait impossible. Mais on y était. Malgré l'horreur de la situation, j'avais ma deuxième chance. Il fallait que j'en sois digne.

— Kiwi, ai‑je attaqué courageusement. Je te demande pardon. Ce qui s'est passé pendant la conférence...

— Ta gueule.

Ah ? Bon bah ok. Je me vexe pas, regardez je me vexe pas. Mais mes excuses alors ? J'y tiens, j'en ai besoin !

J'ai retenté le coup, mais cette fois, bizarrement, les mots que j'avais préparés ne sont pas ceux qui sont sortis :

— Je suis tellement désolé pour Chibi.

Ça m'a frappé au moment où je l'ai dit : mon coup de pute avec le brouilleur IEM, c'était de la gnognotte comparé à ça, à ce à quoi Kiwi était en train de faire face. Il n'a rien dit cette fois, alors j'ai continué :

— C'est ma faute, j'aurais dû le surveiller mieux que ça, faire plus gaffe à lui et à comment il se sentait. Il me disait jamais rien ce p'tit con, j'ai rien vu venir. Quand je l'ai vu se pointer chez Santorga, tout fier de lui... Bordel. Bordel si seulement je lui avais donné plus d'attention, si on l'avait pris au sérieux au lieu de le traiter comme un gamin. Tu sais, au début, je voulais le garder en sécurité pour toi, pour me racheter. Mais après c'est devenu mon pote, ce taré de clone, sans lui je sais pas si j'aurais tenu le coup. Et j'ai pas du tout été capable de prévoir ce qu'il allait faire, alors qu'il dormait chez moi, je le voyais tous les jours. J'ai merdé sur toute la ligne... encore... ah...

Je me suis tu parce que si je continuais j'allais me mettre à chialer, et je voulais pas que Kiwi pense que je m'apitoyais sur mon sort ou que j'étais faible. De toute façon, il m'a ignoré royalement. C'est toujours mieux qu'un « ta gueule », j'imagine.

Je suis resté longtemps près de lui comme ça, dans un silence accablant. C'était pas vraiment le moment mais je commençais à tomber de sommeil. Dire qu'il fallait encore que je marche dans le froid jusqu'à mon appart vide... Je ferais mieux de pas trainer. Mais j'arrivais pas à me résoudre à quitter cette chambre et la silhouette effondrée qui me tournait le dos. J'ai soudain eu une idée brillante, accrochez‑vous :

— Dis... euh... pardon de te demander ça mais c'est okay si je dors là ? Grenade m'a viré du canapé et Diak veut pas de moi dans son lit.

Il m'a répondu d'un reniflement, peut‑être méprisant, peut‑être moqueur, peut‑être triste. Dans tous les cas, j'ai décidé de prendre ça pour un oui. Je me suis re‑désapé et je me suis glissé sous la couette, en faisant bien gaffe de rester bien tout au bord du lit. La gueule de Diak et Grenade demain, quand ils découvriront où j'ai passé la nuit ! En attendant fallait que je dorme un peu, j'étais claqué. Mais bien sûr j'y arrivais pas, l'atmosphère était trop pesante. Je me suis tourné et j'ai regardé les cheveux courts de Kiwi qui tremblotaient sur sa nuque. J'ai ressenti un putain de besoin de le serrer contre moi. Mais il allait hurler, non ? J'allais me faire jeter comme ce loser de Grenade. Ou peut‑être que Kiwi avait besoin d'un câlin ? Peut‑être même que c'était hyper important. Il avait passé tellement de temps en taule tout seul, si ça se trouve il se sentirait mieux. C'est sûr et certain que je suis pas la bonne personne, mais moi aussi, perso, depuis la conférence de presse j'en avais grave besoin. Je me suis approché prudemment. Kiwi devait m'entendre bouger, mais il mouftait pas, ça m'a encouragé. Je savais qu'il dormait pas parce que la manière dont il se tenait immobile n'avait rien de naturel.

Kiwi ex machina - seconde partieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant