46. Chibi superstar

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46. Chibi superstar
(by Victor Carmin)

C'était la foire à l'accueil de Santorga. La moitié de la boite était descendue regarder, et on avait été obligés de fermer l'entrée pour empêcher d'autres journalistes de se pointer. Je dois reconnaitre à Chibi qu'il avait géré sa mise en scène.

— Vous vous rendez ? s'est étranglé mon patron. Qu'est‑ce que vous voulez qu'on fasse de vous ?

— Bah vous me mettez dans une capsule, a fait le clone tranquilou.

Mouvement de panique chez les journalistes qui ne voulaient pas que la poule aux œufs d'or qu'ils venaient de dénicher soit out avant d'avoir fait le tour des plateaux télé. Chibi a regardé mon patron, tout en faisant gaffe à garder son profil dans l'angle de la caméra.

— Comme les autres, a‑t‑il insisté, mes copains clones. Ils avaient pas tellement moins d'années de conscience que moi. Et ils étaient pas d'accord, eux, alors que moi oui. Je vous rapporte les membres de ma souche, Liam Raleigh. Pour que vous lui greffiez.

Évidemment. Voilà jusqu'où était prêt à aller Chibi pour se faire pardonner. Je vous lui aurais collé une de ces paires de baffes, si j'avais pu ! Mais il était protégé par tout un tas de connards de la télé. Et moi je devais faire face à la pluie de micros qui s'est soudain abattue sur mon patron :

— Monsieur Prigent ! Qu'est‑ce que vous allez faire ?

— Monsieur ! Vous allez vraiment endormir et mutiler ce pauvre garçon ?

— Par ici Monsieur Prigent ! Dans la mesure où la souche est en prison à perpétuité, le clone ne pourrait‑il pas être rendu à la famille ?

— Carmin, a grogné mon patron entre ses dents. Virez‑moi ça.

Je crois que c'est la première fois depuis le début de cette histoire que je fais ce pour quoi je suis payé. Aidé de quelques collègues, j'ai mis les journalistes à la porte. J'ai bien tenté de virer aussi Chibi dans la foulée, mais malheureusement ça n'a pas marché, les gardes du corps de la télé ne laissaient personne l'approcher. Chibi était leur invité. Ils ne le lâcheraient pas avant d'avoir eu leur exclu. J'ai trouvé ça étonnamment futé de la part du copier/coller de s'être mis sous la protection d'une équipe de télé. S'il était venu sans témoins, on n'aurait jamais envisagé une seconde de greffer ses membres à Kiwi. On se serait probablement contentés de le passer dans notre broyeur à déchets.

Bientôt, il n'y a plus eu à l'accueil de Santorga que Chibi et son escorte composée de deux gorilles et trois hyènes de la télé, mon équipe de sécurité, la réceptionniste qui avait assisté à toute la scène tout en gérant ses appels à la con, deux‑trois branleurs qui faisaient semblant d'être en pause café pour écouter les ragots, la responsable du service juridique et l'équipe des relations presses qui avaient accouru en renforts, mon patron et moi. Tout ce beau monde est entré dans une avalanche de négociations : la télé voulait son scoop, Prigent voulait éviter un scandale, Chibs voulait se faire amputer tout pareil que sa souche, et moi je voulais me barrer de là, en embarquant le copier/coller, et ne jamais remettre les pieds ici. Mais bon, tout le monde se fout de ce que je veux, je ne suis qu'un agent de sécurité, je suis là pour péter des gueules, pas pour avoir une opinion et encore moins pour la donner.

Si seulement Diak était encore là. Il aurait su quoi faire, lui. Il nous aurait sorti de cette situation en trois minutes. Enfin je dis ça mais où est‑ce qu'il était ce génie, quand Chibi a quitté l'appart pour venir se livrer à François Prigent ? Il pouvait pas le surveiller putain ? Dire que cet abruti croyait avoir réussi à soigner Chibi Kiwi de sa culpabilité en lui parlant deux minutes ! Quel débile. Je veux bien qu'il est doué avec les machines, mais les gens c'est zéro. Il est encore plus nul que moi, et croyez‑moi que ça veut dire quelque chose.

Kiwi ex machina - seconde partieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant