58. Allez les bleus
(By FdB)Le premier match de la France, on l'a regardé tous ensemble. Grenade roupillait, Diak suivait de loin en trafiquant des trucs sur son termi, j'étais à fond et Kiwi avait l'air nerveux comme tout. C'était lui qui avait proposé qu'on regarde tous, alors forcément on avait obéi. J'avais l'impression que ça cachait un truc. La France a gagné 6‑0 contre la Belgique, faut dire qu'on a une putain d'équipe cette fois, la honte de pas avoir passé les huitièmes de finale en 2034 sera bientôt lavée, notez bien mon pronostic ! 2038 c'est pour nous, ça nous revient de droit.
Quand tout a été fini, les interviews, les ralentis, les images des supporters humiliés (c'est ce que je préfère), Grenade a éteint la télé. Personne n'a bougé. On avait tous flairé qu'il allait se passer quelque chose, apparemment. Et on avait raison. Dans le silence soudain, Kiwi nous a lâché :
— J'ai un plan.
On s'en doutait tous, depuis qu'il nous avait fait courir pour trouver de la nitro, mais jusqu'à aujourd'hui il avait rien voulu partager avec nous. Drissou a posé son terminal.
— Pour sauver Chibi ? a‑t‑il demandé d'un ton bizarrement prudent.
— Pour détruire Santorga une fois pour toutes.
Aïe. J'aurais préféré sauver Chibi Kiwi. Je sais bien que je ne bosse plus pour Santorga, mais même.
— FdB, m'a demandé Kiwi pour la cinquante-millième fois. Qui va gagner la coupe du monde ?
— Nous putain ! T'as pas vu comme on a mis les Belges en PLS ? Et en vrai leur équipe était pas dégueu. Cette année on est imbattables.
— Champi, m'a coupé Kiwi, qu'est ce qui se passe chez Santorga pendant la finale ?
Ça aussi, il avait déjà dû lui demander plein de fois parce que Diak a répondu mécaniquement :
— On diffuse le match dans le grand amphi en bas. En général quand il y a la France les employés descendent voir, si c'est la finale tout le monde y sera.
— Grenade. Combien on peut avoir de nitro ?
Je commence à avoir peur de comprendre... Grenade a répondu brièvement : six gros barils de 200 litres. On comptait les payer avec le pactole secret de Diak, le petit sacripan ayant fait mumuse avec le bitcoin dans sa jeunesse, il avait au fil des années amassé un paquet de cyber‑blé, dont il ne voulait pas se servir pour lui parce que c'est pas jojo. Monsieur étant quelqu'un d'intègre, il préférait le dépenser dans des causes illégales, ça fait sens.
— Vendredi 16 juillet 2038, a repris Kiwi, entre 15 et 17 heures, tout le personnel de Santorga Cergy sera réuni dans l'amphi pour regarder la finale. Nous, on se fait passer pour des livreurs d'amnio. Le standard sera probablement en train de regarder le match dans l'amphi, on aura donc affaire à un intérimaire qui ne connait personne. Si ce n'est pas le cas, on se fera nous‑même passer pour des intérimaires embauchés par la société de livraison qui est aussi en train de regarder le match. Ça passera.
J'avoue... Si c'est pendant la finale de la coupe du monde les filles de l'accueil risquent pas de se faire chier à contrôler la marchandise. Faut que la livraison soit prévue, mais j'imagine que Diak peut l'ajouter au programme sans souci.
— Champi nous donnera le code d'accès au monte‑charge. On monte la nitro à l'étage ou l'amnio est stockée, et on la verse dans les réservoirs.
— Quoi ?
C'est quoi ce virage de l'horreur, soudain ? Ni Driss ni Grenade n'ont réagi. Me dites pas qu'ils en savaient déjà plus que moi ? Pourquoi c'est toujours moi qui pige pas ?
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Kiwi ex machina - seconde partie
Science FictionVictor Carmin a pris une décision. Il doit maintenant faire face aux conséquences. (suite de Kiwi ex machina - première partie)