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NOUS JOUONS NOS dernières cartes ce soir. Le ciel est à présent entièrement sombre et seules les flammes jaillissant des débris de la bâtisse écrasée éclairent la nuit. Dedans, le corps du serpent s’étend, massif, blanc, tâché de traces rougeâtres semblables à du sang.
Il glisse, ondule, emportant tout sur son passage. Eloignés, debout dans la clairière, moi et Tengen lui faisons face.
— Comment ça, tu vas le bannir ? répète mon copain, juste à côté de moi.
Ma poitrine se gonfle avant de se serrer douloureusement.
— Les empereurs ont des ministres qui ont aussi pour tâche de surveiller leurs actes. Si les empereurs fautent, leurs ministres, le Cercle Impérial, les punissent… Mon empereur a fauté.
— Parfait, conclut Tengen. Alors punissons-le.
J’acquiesce, n’osant lui dire l’intégrale vérité. Lorsque les empereurs fautent, nous considérons qu’ils ont commis un crime devant les dieux et il leur faut être jugés devant eux. Pour se faire, nous devons les ramener sur notre terre natale or les Voyageurs sont un peuple nomade. Nous n’avons plus de royaume, ce dernier est perdu.
Je vais devoir infliger une punition au Serpent sans l’avoir condamné auparavant et les dieux vont forcément me punir pour cela. Je suis sûre qu’ils vont m’ôter du Cercle Impériale.
Ma honte sera cuisante et me suivra telle une ombre jusqu’à la fin de mes jours. Je n’aurais plus qu’à vivre tête baissée, dépossédée de tout honneur.
