Chapitre 27 - Plan de bataille

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Il lui restait deux semaines avant l'arrivée de la délégation impériale et elle ne pouvait s'empêcher de déplorer tout ce temps perdu en spéculation et incompréhension.

Les Íbúa étaient en pleine effervescence depuis son discours au forsvar. L'appel à la guerre sonnait dans toute la ville et l'atmosphère générale était grisante. La forge tournait à plein régime et on pouvait entendre le marteau taper l'enclume depuis la place principale jusqu'au port. À toute heure du jour, les guerriers se rassemblaient sur la grève pour s'exercer et entraîner les plus jeunes au maniement des armes. Femmes et hommes confondus, sans distinction, leurs longs cheveux rassemblés en tresses complexes qu'ils pouvaient garder plusieurs jours d'affilés. Ishta ressentait une pointe de jalousie chaque fois qu'elle les voyait. Dans une autre vie elle aurait, elle aussi, pu apprendre à se défendre dès son plus jeune âge, au lieu de quoi on lui avait enseigné à avoir peur et à disparaître.

Mais ce n'était pas le moment de s'apitoyer sur son sort, ses journées s'étaient transformées en une course effrénée contre la montre alors qu'elle passait d'une obligation à une autre. La pauvre n'atteignait son lit que tard dans la nuit, après des réunions interminables au Hovedhuren où elle retrouvait Leif et ses généraux.

Là, elle leur racontait le déroulement de la guerre vu par l'Empire, l'organisation de son armée ainsi que le fractionnement des royaumes qui le compose. Elle en savait forcément plus sur les deux premiers sujets que sur le dernier mais toutes les informations étaient importantes à ce stade.

Ensemble, ils décidaient de la suite des opérations. Rassembler les clans sous un seul objectif n'était pas une mince affaire. Dès le troisième jour, plusieurs délégations étaient arrivées à Jorundarholt pour entendre la proposition d'Ishta, participant aux conseils de guerre tenus par Leif. Il ne fallait généralement pas longtemps pour les convaincre, les informations qu'elle leur partageait valant de l'or, mais le processus reprenait depuis le début à chaque nouvelle arrivée d'émissaire, ce qui ralentissait considérablement leurs plans et augmentait la frustration de la jeune femme qui voyait le temps lui filer entre les doigts.

Le point positif était sa coopération avec Leif. L'intelligence de l'homme était évidente et il ne lui fallait que quelques mots d'explication pour comprendre où Ishta essayait de l'emmener. Inversement, elle apprenait de lui tout ce qu'elle pouvait et il semblait apprécier, n'hésitant pas à approfondir un sujet qu'elle ne connaissait pas trop, lui transmettant autant de son expérience qu'elle pouvait en absorber.

Les discussions sur les manœuvres employées par l'Empire et le fonctionnement de leurs armées étaient, à son avis, les plus captivantes. Elle n'osa d'abord que très peu participer, ne se sentant pas vraiment à sa place. Mais bien vite Leif confirma ce dont elle se doutait déjà, les Íbúa utilisaient sciemment l'ego surdimensionné du Saam'Raji et son incapacité à s'adapter. Comparer les deux systèmes de pensée était une expérience hautement enrichissante et elle se retrouva à poser de plus en plus de questions pour finalement participer pleinement à chaque réunion.

Elle avait plus de difficulté lorsqu'ils abordaient la politique des différents royaumes. Il lui était compliqué de faire le lien entre les maigres informations qu'elle possédait, ne comprenant pas vraiment les motivations qui poussaient les familles royales à agir dans telle ou telle direction. Et, même si Leif était tout aussi perdu qu'elle, Toumet comblait alors ses lacunes. Elle n'était pas devenue Ansatt du clan pour rien et sa facilité à se mettre à la place des autres et comprendre leurs besoins la rendait redoutable.

L'organisation de son mariage était également un sujet central, se rapprochant plus du plan de bataille que d'une cérémonie matrimoniale. Ishta passait chaque détail en revue, du logement pour la délégation impériale en passant par le menu du festin, jusqu'à sa robe. Certes, il était normal pour la mariée de s'occuper de ce genre de chose mais, ici, les circonstances étaient particulières.

La bête de la Terre des RoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant