Le premier soleil se levait à peine qu'il suait déjà à grosses gouttes et appréhendait l'apparition du deuxième. Assis en tailleur sous une toile de coton blanc tendue, il contemplait la carte et les petites figurines de bois installées sur la grande table basse.
Il n'avait que très peu dormi cette nuit-là. Ils étaient pressés de tous côtés et chaque problème résolu en créait quinze autres. Ils manquaient d'hommes, de vivres et de temps.
Si la Dod Varmt n'était pas plus nourrie qu'eux, elle avait cent fois plus de troupes et les ibua ne pouvaient pas être sur tous les fronts à la fois.
Einar le rejoignit sous la toile et vint s'asseoir à côté de lui. Les traits tirés, il soupira de lassitude et se prit le visage dans les mains avant de contempler l'activité du camp quelques instants.
« On a été gourmand... dit-il simplement. On s'est laissé avoir par les beaux discours d'Ishta.
- Pas vraiment... répondit Leif, tâchant de s'en convaincre lui-même. Avec les informations que l'on avait, notre décision avait du sens. Et elle ne pouvait pas savoir non plus que son frère prendrait la tête des armées... Si j'avais su, il n'aurait jamais quitté nos terres vivant. »
Le silence s'installa. Il n'y avait pas grand chose de plus à ajouter. Il avait beau se morigéner, il lui aurait été difficile de prédire que cet homme puisse avoir tant d'influence sur toute une guerre. Leif le revit à son départ, défait. Avatar du désespoir dont la misère n'avait d'égale que celle d'Ulrik.
Tout le monde le voyait comme un grand stratège, un homme de tête, et, jusqu'ici, il avait réussi à s'en convaincre lui-même. Mais la vérité, c'est qu'il avait eu de la chance. Voilà tout. Des conflits de petites ampleurs contre des adversaires crétins. Devant un vrai stratège tel que ce Dakshi, il sera exposé aux yeux de tous que pour ce qu'il était vraiment: une fraude. Un imbécile chanceux incapable de prendre une décision correcte.
« Ça sert à rien de pleurer sur une vache tuée, reprit Einar, pragmatique. Trouvons une solution pour conserver la viande. Quand arrivent les émissaires ?
- D'un moment à l'autre.
- Concentre-toi sur nos objectifs. Qu'est-ce qu'on attend de cette entrevue ? »
Leif prit le temps de réfléchir. Le Conglomérat leur avait déjà officiellement apporté leur soutien. Leur émissaire était accompagné de trois diplomates venus de royaumes sous la coupe de l'Empire. D'après les courriers de Dame Maishan, il s'en fallait d'un rien pour les rallier à leur cause. D'après Ishta, deux d'entre eux ne rêvent que de leur indépendance. La chute de l'Empire en soi devrait leur suffire, mais jamais ils n'officialiseront leur décision. Les Ibua n'étaient pas en assez bonne position pour qu'ils prennent ce risque.
Alors qu'attendait-il, lui, de cette entrevue ? Depuis leurs positions géographiques, ces royaumes seraient bien incapable d'envoyer quelconques ravitaillement. Mais, était-ce réellement ce dont il avait besoin ?
Sa plus grosse difficulté ne venait pas de leur manque de moyen, mais du nombre et de l'organisation de l'adversaire. Ce dont il avait besoin c'était d'influence au sein de l'Empire pour désarçonner Dakshi. Son cerveau perdu, l'armée ne serait guère plus dangereuse qu'un poulet sans tête. Briser l'influence de Dakshi reviendrait à ramener la situation où elle en était au début de la guerre... Ou presque.
« Il nous faut un soutien politique au sein de l'Empire, répondit Leif. Pour le moment nous n'avons aucune manière d'influer sur les prises de décisions de cette armée de malheur ! Mais la guerre ne se gagne pas que sur le terrain.
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La bête de la Terre des Rois
RomanceÉlevée dans une culture où les femmes n'ont d'autres rôles que celui de décoration ou d'esclave, Ishta est battue par son père dans le cadre d'un rituel matrimonial particulièrement cruel. Les barbares du nord ont envahi l'Empire et, pour sauver ce...