Chapitre 31 - Bénédiction

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Alors qu'elle allait s'effondrer, Knut entra dans son champ de vision et lui serra doucement le bras.

« Tu n'es pas obligée Sjel, murmura-t-il. Je le fais partir ? »

Son angoisse disparut aussi vite qu'elle était apparue. Elle n'était plus la petite princesse sans défense qu'Um Dakshi avait connu. Elle n'était plus seule et elle avait terrassé une bête mythique d'un éclair. Il n'était pas en position de force, elle avait passée deux semaines à travailler le moindre détail pour qu'il ne le soit pas.

« Merci Sjel, répondit-elle à Knut avec un sourire. Mais ce n'est pas la peine. »

Elle se leva et se dirigea vers son frère. Il avait pris le partie d'agir avec elle comme si leur passé n'existait pas. Il s'efforçait de traiter les femmes autour de lui comme si il ne les avait jamais considérées inférieures ou à sa merci. Il voulait jouer la comédie pour ne pas froisser les Íbúa ? Elle ferait de même, restait à voir qui serait le plus déstabilisé des deux. Mais Ishta avait maintenant de l'expérience sur comment imiter un Íbúa.

Plaçant une main sur son épaule, elle le fit se pencher et déposa un léger baiser sur sa joue, comme elle avait vu tant de gens faire pour accueillir un membre du foyer. Un père, une sœur, un oncle... Un frère.

« Tes visites sont toujours une joie, mon frère, ajouta-t-elle le plus naturellement du monde dans la langue de l'Empire. Knut ici me dit que tu as des présents pour moi... Comme c'est touchant et, surtout... Peu conventionnel. »

Elle aurait pu rire de son euphémisme si elle n'avait pas été si fière d'avoir pu finir sa phrase sans trembler. Tout son corps avait lutté alors qu'elle s'apprêtait à le toucher. S'attendant à chaque instant qu'il la mette au sol pour avoir eu l'audace de seulement penser à une telle absurdité.

Mais Dakshi n'avait pas bougé, seul son sourire en coin avait disparu, unique signe de sa stupeur. Il se reprit vite et fit un signe à quelqu'un en bas des escaliers.

Quelques instants plus tard, quatre soldats désarmés déposèrent dans la pièce quelque chose de lourd, haut et fin, empaqueté dans du tissu. Ishta n'eut pas besoin d'attendre qu'ils aient fini de le déballer pour reconnaître un miroir. Les Íbúa n'avaient pas de miroir à proprement parler. Et certainement pas de cette taille. Ils utilisaient des plaques de cuivre polies où l'on se reflétait plus ou moins bien, mais rien de comparable aux grandes feuilles de verre doublées d'argent du Saam'Raji. L'image qu'ils renvoyaient était aussi claire et nette que la réalité.

À sa grande surprise, ce n'était pas n'importe quel miroir. C'était celui qui avait été placé dans sa chambre toute sa vie et que ça propre mère avait utilisé avant elle. Le cadre de bois était savamment travaillé et représentait des rosiers grimpants aux fleurs épanouies et aux épines acérées. Les trois femmes encore présentes s'écrièrent d'émerveillement à la vue de leurs reflets. Elles ne s'étaient encore jamais observées tout entières et l'expérience leur était fascinante. Même Knut fut assez intrigué pour jeter un œil, plus ou moins discrètement, à son propre double.

Ishta de son côté était pour le moins déstabilisée, elle n'arrivait pas à comprendre pour quelle raison Dakshi avait bien pu ramener un tel objet d'aussi loin. Offrir un cadeau à la future mariée n'était certainement pas une tradition de l'Empire. Elle ne voyait pas ce que son frère pouvait bien retirer d'une telle manœuvre. Son incertitude avait gâché le peu de plaisir que la vue du miroir lui avait apporté.

« Tu es dure en affaire, ma sœur, susurra Dakshi. Peut-être mon prochain présent saura-t-il amener un sourire sur ces lèvres si sévères ? »

Rendue encore plus confuse par les paroles du prince, Ishta fut frappée de stupeur quand une servante apparut dans l'escalier, portant un petit coffre de bois. Elle n'avait pas besoin que l'esclave retire son voile de bienséance pour savoir de qui il s'agissait, elle aurait reconnu la démarche digne de Nishka n'importe où.

La bête de la Terre des RoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant