Chapitre 9 - Amourette

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Cinq jours étaient passés depuis sa convocation dans la salle du trône et elle n'avait eu aucune nouvelle de son père. Devait-elle réellement partir le surlendemain ? Qu'en était-il de son blason ? De ses leçons ?

Elle avait passé les premiers jours à tourner en rond dans sa chambre, comme un tigre en cage. Incapable de se tenir assise plus de quelques instants, encore moins de se coucher, elle ne cessait de rouvrir ses plaies. Le troisième jour, Nishka dû la menacer d'aller chercher un garde pour la forcer à rester allongée. Elle obtempéra enfin, mais un flot de pensées agitées la submergea. Elle se mit à poser sempiternellement les mêmes questions à la vieille femme qui, de toute évidence, n'avait pas plus de réponses qu'elle.

Dans un tout petit recoin de sa tête, Ishta s'inquiétait pour la vieille mère. Elle avait, dans ses souvenirs, l'image d'une grande femme pleine de grâce et de dignité, toujours informée sur la marche à suivre et avec une grande sagesse de toute chose liée au monde social. Mais depuis la Cérémonie du Thé, Nishka était de plus en plus tenue à l'écart des décisions prises au sujet de la princesse. Cette perte de contrôle se reflétait grandement sur son état physique et mental. Les cheveux arrangés en un vague chignon, des jupes dépareillées et le châle de sa fonction noué à la va-vite, sa démarche élégante et assurée avait laissé place à des épaules affaissées, des regards en coin frénétiques et des mains tremblantes. Après le départ d'Ishta, Nishka réussirait-elle à se montrer toujours utile ? Pourrait-elle garder sa fonction en montrant un si piètre exemple ?

Mais Ishta avait assez à se préoccuper avec son propre cas, aussi repoussait-elle toujours ces pensées-là quand elles survenaient. Pour sauver les autres, il fallait déjà savoir se sauver soi-même. Dans les moments les plus difficiles où, seule avec elle-même, elle se voyait vivre parmi des barbares sanguinaires, manger comme une bête et se faire battre par des points géants couverts de tatouages, son esprit se mettait à rêver... Elle se voyait sauter par-dessus le balcon de sa chambre avec Ning, s'échappant à bord d'un bateau en direction des Îles Australes, vers un pays où les femmes étaient aimées de leur père et de leur mari.

Mais ce fantasme ne durait jamais bien longtemps et le retour à la réalité n'en était que plus douloureux. Déclencher une guerre avec la Saam'Raji n'était sûrement pas dans les plans de la famille Sichuna. Et quelle utilité aurait-elle pour son mari ? Un blason inachevé, en fuite et sans dot à lui offrir ? C'est exactement ce à quoi elle pensait, seule dans son lit, ce soir-là

Doosara venait seulement de disparaître à l'horizon mais ses lueurs rose orangé éclairaient encore le ciel. Les yeux perdus dans la cime des palmiers montant des jardins en contre-bas, Ishta ne remarqua pas de suite la silhouette en mouvement grimpant sur la rambarde de son balcon. C'est l'exclamation de surprise de Nishka qui attira son attention.

« Ah non ! Pas encore !

- Si ça ne te plaît pas vieille mère, appelle donc la garde ! »

Lui répondit Ning d'un ton sec en atterrissant d'un geste souple sur le sol en marbre de la chambre. Ishta se redressa sur son lit, les croûtes neuves fermant ses plaies la rappelèrent à l'ordre et elle s'assit de manière plus précautionneuse.

« Veux-tu que je te soulage, Amour ? lui demanda Ning, se précipitant pour l'aider à s'installer plus confortablement. Son ton était doux et son inquiétude paraissait réelle. La jeune fille n'y croyait toujours qu'à moitié, s'attendant à tout instant qu'il retourne sa veste et la corrige violemment.

- Merci de votre inquiétude, Futur-époux, ce ne sera pas nécessaire, la douleur n'est déjà presque plus là. »

Ning se figea légèrement et Ishta se rendit compte de son erreur. Ne sachant pas comment se rattraper, elle se tut et attendit qu'il décide de comment réagir. Il eut un soupir de dépit et répondit.

La bête de la Terre des RoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant