Chapitre 47 - Coup d'état

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Lakshan étouffa un soupir de contrariété. Le regard bovin que lui offrait son second l'irritait au plus haut point, mais il ne le montra pas. L'homme n'avait pas pour habitude de contredire les ordres de son supérieur. Il était, de toute évidence, pris de court.

« Un problème lieutenant ? demanda doucement Lakshan.

— Non, mon commandant ! répondit le second précipitamment, avant de se reprendre. Enfin... Si... Je doute de pouvoir mobiliser autant d'hommes sans mettre en péril les combats de la cité.

— Peu importe la cité, s'il n'y a plus de gouvernement pour l'administrer. Faites ce que je dis. »

Après un salut rapide, le lieutenant emporta avec lui la dizaine de soldats que Lakshan avait fait appeler et partit.

Le Chambellan se dirigea ensuite à grands pas vers leur point de rendez-vous, suivi de près par les membres de sa garde. La clameur des combats n'atteignait pas cette partie du palais, mais l'odeur âcre et omniprésente de la ville en proie aux flammes lui laissait un goût amer en bouche, autant au sens propre, qu'au figuré. L'un après l'autre, les enfants de l'Empereur n'avaient fait que saper son autorité et son image. Et, pour une raison qui échappait encore à Lakshan, le Roi des rois les avait laissés faire.

Désormais, tout ce pour quoi leur père avait travaillé dur pendant tant d'années allait être détruit. Tous ces efforts anéantis par la bêtise d'un prince à l'ego surdimensionné. Lakshan rageait. Il n'avait toujours pas découvert ce que cachait Dakshi. Après avoir épluché les rapports de troupes, les comptes rendus de combats et les listes des effectifs, il avait constaté qu'une portion considérable des armées avaient disparu, les dieux seuls savaient où...

Confronter Dakshi n'avait servi à rien. Ce serpent perfide avait réponse à tout. Pire, il trouvait constamment le moyen de retourner la situation à son avantage, pour la plus grande fierté de son père.

Mais cette fois, il le tenait. Lakshan l'avait vu quitter la salle des opérations précipitamment et il l'avait suivi, de cadavre en cadavre, à travers le palais. Dakshi savait ce qu'il se passait et qui avait semé ces corps. Qu'il n'en parle à personne indiquait clairement qu'il manigançait quelque chose. Soit il voulait en tirer toute la gloire, soit la découverte de l'identité des intrus le ferait tomber et il tentait d'étouffer l'affaire. Dans un cas comme dans l'autre, Lakshan reprendrait la maîtrise de la situation.


Il ne leur avait pas fallu longtemps pour s'apercevoir que ni Dakshi ni l'Empereur ne se trouvait dans la pièce. Plus d'une fois, Ishta avait failli perdre le contrôle et céder sa place à la Fille du Démon. Mais l'entraînement que lui avait fait subir Olvir, associé à la facilité de l'affrontement qui s'approchait plus de la mise à mort que du combat, lui avait permis de garder la tête froide.

En quelques instants, ils avaient atteint les portes, ils étaient parvenus à les bloquer et venir à bout des quelques gardes présents. Quelques instants de plus, et la salle tombait dans le silence. Elle devait reconnaître que les dignitaires, pris de court, avaient opposé bien plus de résistance qu'elle ne s'y était attendue. Leurs épées d'apparats ne les avaient que peu aidés, et leur manque d'expérience manifeste, mais ils s'étaient battus pour leur vie et les Íbúa respectaient ce fait. Ils avaient eu droit à une mort propre et rapide.

Ishta posa les yeux sur les traînées rouges qui maculaient le mobilier richement décoré. La scène lui parut incongrue. Elle s'était attendue à éprouver soulagement, joie, libération, à la vue sur le sol du sang de ces hommes qui l'avaient tant maltraitée. Mais elle ne ressentait rien de tout cela.

La bête de la Terre des RoisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant