Debout, cinq pas derrière son mari comme le voulait la bienséance, Maishan patientait.
Sous la chaleur impitoyable des soleils, les curieux s'étaient agglutinés derrière la double rangée de serviteurs faisant office de haie d'honneur. Celle-ci s'étendait depuis le début de l'allée menant aux jardins, jusqu'en haut de la volée de marches sur laquelle ils se tenaient, à l'entrée du manoir marqué par les grandes portes en bois de rose sculptées.
Tous les invités présents sur le domaine Sichuna s'étaient regroupés à l'annonce de la délégation impériale. Maishan pouvait même apercevoir les trois émissaires barbares, dépassant la foule d'une bonne tête et demie, ils ne s'embêtaient pas à s'approcher pour avoir une meilleure vue.
La chaise à porteuses s'approchait déjà et elle réussit enfin à en lire le blason. Parti d'argent, au scorpion contourné de sable, et de sinople à bande du premier chargé de deux croissants de gueule. Le troisième prince, ou peut-être était-il deuxième désormais ? Ils s'entre-tuaient si rapidement qu'elle parvenait tout juste à en tenir les comptes. Bien que fils d'une ortie, comme l'annonçait la bande blanche barrant la partie maternelle de son blason, il n'en était pas moins l'un des plus âgés. Elle ne put que soupirer doucement face au contentement évident de son mari. Celui-ci ne voyait dans la haute position du prince qu'une marque de respect face à la famille endeuillée. Mais Maishan, elle, y voyait une possible menace. Après tout, la missive annonçant l'arrivée de la délégation ne pouvait être plus floue quant au motif de sa venue.
Apres une procession lente à travers la cour principale. La voiture se posa enfin au bas des escaliers. Tsewang, son mari, descendit les quelques marches le séparant de la délégation, et Maishan le suivit, tête baissée. Ce n'était pas une marque de respect nécessaire en soit dans sa propre maison, mais l'Empire n'était pas des plus tolérants quant aux us et coutumes des autres contrées et quelque chose lui disait qu'ils feraient mieux de ne pas contrarier cet émissaire.
Un héraut vint ouvrir la porte au prince qui descendit le marche pied d'un air digne, exploit d'autant plus impressionnant compte tenu de la quantité de tissu et de décorations qui le recouvraient. Tous se prosternèrent alors que le héraut annonça d'une voix claire:
« Sa majesté Um Vikram, deuxième prince des jardins d'Or, descendant d'une Ortie, Haut émissaire de sa Majesté le Roi des rois, Parole d'Or, vous salue. »
Alors que ses genoux craquèrent douloureusement quand elle voulu se relever, Maishan ne pu s'empêcher d'envier les hérauts du Saam'Raji. Tous. Ils avaient l'immense avantage de ne pas avoir à se prosterner.
« Votre Altesse c'est un honneur de vous avoir parmi nous, salua Tsewang de cette voix doucereuse que sa femme haïssait. Mes gens vous ont préparé rafraichissements et collations au salon principal pour vous remettre de ce long voyage. S'il vous plait de bien vouloir me suivre ? »
Sans même un regard pour son hôte, le prince se dirigea d'un pas vif vers l'escalier de bois menant à l'entrée.
Maishan aimait profondément Tsewang, et cet amour était né très tôt après leur mariage. Mais la satisfaction qui s'affichait sur beau visage de son mari lui rappela que cet amour ne venait pas d'une quelconque forme d'intelligence chez lui.
Tsewang était un homme doux, rêveur, passionné et aimant. Mais toutes ces qualités venaient de pair avec une naïveté débordante et une gentillesse à la limite de la stupidité. Si la famille marchande avait atteint sa position actuelle au sein du conglomérat, c'était grâce à Maishan. Et son mari en était parfaitement conscient.
Quelques minutes plus tard, ils étaient installés, au frais, sur des coussins confortables, autour d'une table bien garnie. Les quatre hommes de la garde rapprochée d'Um Vikram se tenaient à l'entrée de la pièce, ils n'avaient pas pris la peine de retirer leur bottes et l'on pouvait suivre leurs traces de poussière sur le sol de bois ciré.
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La bête de la Terre des Rois
RomanceÉlevée dans une culture où les femmes n'ont d'autres rôles que celui de décoration ou d'esclave, Ishta est battue par son père dans le cadre d'un rituel matrimonial particulièrement cruel. Les barbares du nord ont envahi l'Empire et, pour sauver ce...