La fin du Storkan passa en un claquement de doigts pour Ishta.
La tension devenait de plus en plus palpable et certains étaient plus sensibles que d'autres à l'innilokun, mais Ishta avait l'esprit ailleurs. Elle traversa les deux semaines suivantes dans un brouillard de pensées omniprésentes qui la poursuivaient jusque dans ses rêves. Un mélange complexe de grotte en forme de bouche béante et de caresses douces et enivrantes.
Elle était souvent redescendue aux bains, seule, de nuit, pour étudier les fresques murales. Elle trouva d'autres représentations de Fryktebjorn, toujours aussi terrifiant, mais, de sa tanière, il n'y avait qu'une seule gravure. Elle l'avait tellement observé que l'image s'était incrustée dans son esprit, elle aurait pu la dessiner les yeux fermés. Bien sûr, elle n'avait cessé repousser l'idée stupide d'une quelconque ressemblance entre le motif au mur et la grotte aux offrandes. Mais, insidieuse, elle revenait d'elle-même jours après jours.
À y passer autant de temps, elle faillit de nouveau se retrouver coincée en bas mais cette fois elle ne se cacha pas. À l'instant où elle repéra les bruits de pas dans le couloir elle remonta l'escalier, croisant le couple qui descendait. Elle leur fit un signe de tête, les joues rougies par la gêne et retourna dans sa chambre où son esprit ne la laissait pas en paix, imaginant de lui-même ce qui pouvait bien se passer en bas dans l'instant.
Ce qui ne la changeait pas beaucoup de ses autres nuits. Elle luttait tous les soirs pour éloigner son esprit des gémissements de Solveig mais, invariablement, juste avant de s'endormir quand elle était le plus vulnérable, elle finissait toujours par se demander ce qu'on pouvait ressentir sous les mains d'un homme. Souvent, l'homme n'avait pas de visage, parfois, il empruntait les traits d'Ulrik.
Elle n'avait jamais eu ce genre de pensées, mais c'était comme si le plaisir de Solveig avait ouvert une boite dans son esprit, libérant toutes sortes d'envies qu'elle ne comprenait pas entièrement. Elle était devenue incroyablement consciente de la présence des hommes de sa tranche d'age, encore plus de ceux qu'elle connaissait déjà. Elle ne savait plus comment se comporter avec Ulrik, Askel ou même Knut, cette sensation étrange que ce qu'elle disait paraissait vide de sens et stupide. Elle remercia les Dieux mille fois pour le confinement, étant tous les uns sur les autres, il ne lui était pas difficile d'éviter de se retrouver seule avec l'un d'eux.
Heureusement, quelques jours plus tard, Ishta se réveilla dans un silence inhabituel.
Elle ne comprenait pas bien ce qui la dérangeait, toujours à moitié endormie, quand une des filles qui partageaient sa chambre la secoua sauvagement en criant, se faisant à peine comprendre au milieu de ses rires.
« Ishta ! Ishta ! La tempête a cessé ! Regarde ! On voit le soleil ! »
Voir le soleil c'était vite dit, les trois couches de volets les séparant du froid ne laissaient pas voir grand-chose mais, en effet, perçant les jointures, on pouvait deviner une lueur plus claire qu'à l'accoutumée. Même à travers les rires et cris des jeunes filles s'habillant le plus vite possible, Ishta entendait la différence. Hier encore, l'omniprésence du vent faisait trembler les murs et volets. Le tonnerre était devenu un tambour régulier en bruit de fond qu'elle ne pensait même plus entendre. Elle se rendait seulement compte à quel point ce bruit ambiant pouvait être oppressant que depuis qu'il avait cessé.
Dans la salle commune, l'agitation était évidente. Tous attendaient l'autorisation de Toumet pour ouvrir les portes mais celle-ci était en grand conciliabule avec Ulrik. Visiblement le chaman jouait un rôle important dans l'interprétation du temps et du Storkan. Finalement les portes furent ouvertes et chacun put profiter de l'air frais extérieur. La sensation était incroyable, tous riaient et dansaient. Pahala n'était pas levé encore mais on voyait une lueur plus claire à l'horizon. Ishta n'avait qu'une seule hâte, revoir sa lumière, même pour quelques heures courtes.
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La bête de la Terre des Rois
RomanceÉlevée dans une culture où les femmes n'ont d'autres rôles que celui de décoration ou d'esclave, Ishta est battue par son père dans le cadre d'un rituel matrimonial particulièrement cruel. Les barbares du nord ont envahi l'Empire et, pour sauver ce...