Chapitre 1

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4 ans plus tard ...

Candice

   Je suis allongée sur le sol, une douleur lancinante dans le ventre, qui me broie les tripes. Je lève les yeux du sol, je ne vois plus rien. Mes larmes ruissellent comme des torrents sur mes joues. Je ne comprends plus rien. Je supplie et je sens un goût de fer sur ma langue. Ce n'est pas la première fois. Mon instinct de survie me dit de me rouler en boule. Il est enragé ce soir. Ma robe trop courte et choisie avec soin pour attirer le regard des hommes, en est la cause. 

   Pourtant, je me sentais juste belle et bien dedans. Je voulais lui plaire, qu'il soit fier de moi, fier d'être à mon bras pour ce gala de charité. Je ne voulais pas lui faire honte, mais mes kilos en trop ne m'aident pas vraiment ces derniers temps. La nourriture étant mon seul refuge, j'ai pris du poids. Beaucoup de poids. Mes courbes sont devenues très voluptueuses alors que j'ai toujours été longiligne. J'ai des hanches marquées et une poitrine plus imposante. C'est difficile pour moi de me sentir bien, je n'aime plus ce corps qui a changé. Toutes ses rondeurs sont un supplice et le regard des autres l'est encore plus. Mais, pour une fois, depuis bien longtemps, dans ce magasin de luxe des champs Élysée, je me suis sentie jolie dans cette robe. Les vendeuses m'ont rassurée, en voyant mon air perplexe. J'ignore si c'était une stratégie de vente pour elles, mais leurs paroles m'ont encouragée. Cette robe rouge flattait mon teint pâle et mes cheveux blonds. J'étais tellement sûre de mon choix. J'étais élégante. En la passant ce soir, j'étais heureuse. Mon maquillage était léger et mettait en valeur mes yeux bleus. Rien de tape à l'œil. Mais ces coups ont une telle force que je comprends qu'il n'est pas satisfait de ce qu'il voit. Ou du moins pas pour me montrer au public. J'ai essayé de m'expliquer mais il n'a pas voulu m'entendre.

   Je me suis encore trompée. Sa violence m'a éclatée en pleine face. Il me corrige pour mon insolence et ma provocation. Cependant dix minutes avant, il a dû me trouver belle, quand il a remonté le bas de ma robe. Pourtant, je n'avais pas envie mais il m'a fait l'amour. Non, pas avec tendresse, pas avec amour ou dévotion. Il m'a fait l'amour avec toute sa rudesse et sa puissance. Je déteste quand il fait ça. Mais je n'ai pas eu le courage de lui dire de s'arrêter même s'il me faisait mal. De toute façon, il ne m'aurait pas écoutée. J'ai donc attendu patiemment qu'il termine. Par peur des coups, espérant que ça suffirait. Il s'est retiré, son penis ensanglanté. Moi, avec des brûlures et du sang sur le papier, quand je suis allée m'essuyer et m'arranger. Il m'a suivie. J'ai senti sa fureur dans ses mouvements et sa respiration. J'ai eu l'audace de le regarder. Il a remonté les manches de sa chemise blanche.

   — Ne me regarde pas comme ça, cesse de me provoquer! Rouge ? Pourquoi tu cherches toujours qu'on te remarque ? Il n'y a rien à voir ! Change-toi ! m'ordonna-t-il avec dédain.

   Mon cœur s'est mis à battre à tout rompre. J'ai eu peur. J'étais tétanisée. Je n'ai osé ni parler, ni bouger. Je me suis contentée de baisser les yeux et de fixer le sol. Il a pris mon silence comme un ultime affront. 

   — Va te changer ! C'est un ordre, Candice !

   Je suis restée de marbre. Il déteste quand je ne m'exécute pas au premier avertissement. Il s'est avancé plus près encore. J'aurais dû me changer, je n'ai pas voulu m'attirer ses foudres une nouvelle fois mais je n'y suis pas arrivée. Mes jambes n'ont pas voulu répondre. Il a collé son visage au mien. Il m'a fixée et a fini par lâcher avec une lueur de satisfaction dans la voix :

    — Madame, veut-elle me défier ? 

   Il a retiré les deux premiers boutons de sa chemise, comme pour se donner plus d'aisance. Puis, il a éclaté une deuxième fois, en arrachant ma robe et me ruant de coups. Je ne sais pas pourquoi, il est comme ça avec moi, il est si doux et si bienveillant à l'hôpital. Quand il arpente les couloirs de son service, tout le monde l'admire et l'adule. Il considère tout le personnel. Il discute avec ses patients avec une telle délicatesse et une patience d'ange. Je sais qu'il n'a pas changé là-bas, bien que je n'y travaille plus depuis un an. Il considérait que ce n'était pas normal que j'exerce toujours mon métier d'infirmière alors qu'il gagnait assez bien sa vie. J'ai continué à voir certaines de mes collègues de temps en temps, elles me rappelaient la pêche miraculeuse que j'avais réussie en l'épousant. Plus le temps avançait et moins j'avais de vie sociale. Et c'est là que les coups ont commencé vraiment. Il n'avait plus à faire attention que je sois présentable pour aller travailler ou pour retrouver des amies. J'aurais dû me méfier. Mais je ne l'ai pas fait. Je me sentais chanceuse qu'un homme comme lui pose les yeux sur moi. Nous étions LE couple parfait, celui qu'on envie. Celui qui a le monde à ses pieds. Mais tout ça n'est qu'illusion. Les gens ne s'imaginent même pas tout ce qui peut se passer dans les foyers, une fois la porte fermée. Je ne reconnais plus depuis longtemps l'homme doux que j'ai épousé. Peut-être qu'au fond, il ne l'a jamais été. 

   Et ce soir, c'est encore plus violent que d'habitude. Il continue à me marteler le ventre avec ses pieds. Il m'attrape par les cheveux et me les tire si fort qu'une poignée finit par céder dans ses mains. J'ai mal, si mal. Tout mon corps est meurtri. Je suis gisante sur le sol, vulnérable, dépourvue de toute dignité. Je n'ai plus la force de crier. Je sens son souffle sur mon visage, mais je ne peux pas le voir. Mes yeux sont gonflés par la force qu'il a déployée sur moi. Je sais qu'il me parle. Je ne l'entends pas. Il n'y a que le bourdonnement dans mes oreilles et le bruit des coups qui affluent. Je suis bien trop endolorie et apeurée pour me défendre. Perdue, entre mes pensées et la réalité de ma situation. La porte qui claque me fait prendre conscience qu'il est parti à ce gala de bienfaisance sans moi. Il prétextera que je suis malade, une énième migraine, que la musique et le brouhaha de la soirée n'auraient pas arrangé mon affaire. Il dira qu'il aurait préféré que je sois là mais qu'il était mieux de me laisser pour me reposer et qu'il sait que je le soutiens dans tous ses projets, comme un bon mari bienveillant. Il ajoutera la chance qu'il a d'avoir épousé une femme comme moi. 

    J'ai la nausée. Je ne sais pas si c'est cette pensée ou bien les coups que j'ai reçus dans le ventre. J'attends quelques minutes pour être sûre qu'il soit bien parti. J'entends vaguement un moteur de voiture. J'essaie de me relever mais je n'y parviens pas. Mon corps et ma tête sont trop abîmés par sa fureur. Je finis par réussir à redresser mon buste. J'attrape le téléphone qui gît à côté de moi. Son écran est cassé et je ne vois pas très bien mais je compose le numéro de la seule personne capable de me venir en aide sans me juger. La sonnerie retentit. A la troisième, j'entends enfin sa voix. Et là, je lance avec désespoir et le peu de force qui me reste :

    — Lina, aide-moi, je vais mourir ce soir ...

   Ma voix n'est plus qu'un râle. Mon esprit est en cendre et mon cœur en morceaux. Je ne sais pas comment s'est terminée cette conversation. Mais à cet instant, je sens que quelque chose en moi, fort et puissant, s'éveille. Cet instinct de survie, cette envie de vivre. Je veux que cette situation change et la voix de Lina résonne au loin, comme une promesse: 

« tout va s'arranger » 

*

La peur ne se fuit pas ... {terminée}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant