La peur ne se fuit pas ... {terminée}

Chapitre 3

Candice

   Je marche dans les rues de Manhattan, en me disant que ma vie a bien changé en si peu de temps. Je ne m'en serais jamais cru capable. Totalement aspirée par cette boucle infernale. Mais, je suis là, debout, vivante et plus joyeuse. 

   Il y a six mois, j'ai quitté mon Paris natal pour New York. C'était une question de survie au sens propre du terme. J'ai un nouveau travail, depuis deux mois, que j'adore. J'avais oublié à quel point c'était bon de sortir de chez soi, de se sentir utile, d'aider ou de parler à des êtres humains, en dehors de mon mari. J'ai perdu toute ma liberté le jour où j'ai accepté de ne plus travailler. J'ai accepté de perdre mon indépendance. Bien que je ne m'en rende pas vraiment compte à ce moment-là. Je venais de lui donner toute sa puissance qui m'écrase un peu plus chaque jour. Jusqu'à ce fameux soir. Le soir de trop. Je me suis vu mourir sur le sol de notre dressing. 

   Je ne remercierai jamais assez Lina de m'avoir sauvée. Après notre appel, j'ignorais le temps qui s'est écoulé. Mais, j'ai entendu des pas à côté de moi, je me souviens avoir pensé qu'il était revenu pour terminer ce qu'il avait commencé. Quand j'ai entendu une voix douce et rassurante, j'ai compris que ce n'était pas lui. J'ai remercié Lina de m'avoir envoyé sa mère et que ce ne soit pas la mienne. Elle n'aurait jamais supporté me voir dans cet état, ça aurait été trop difficile pour elle. Elle ne s'est jamais totalement remise de la mort de mon père et de tout son périple dans la maladie. Voir sa fille gisant au sol aurait été le coup de grâce. La peur de me perdre aurait été trop grande. J'avais tellement honte à ce moment-là et tellement mal. Physiquement comme mentalement, je n'aurais pas assumé ce qu'il m'était arrivée face à ma mère. J'ai remercié mon amie mille fois d'avoir été discrète sur ma situation. De m'avoir envoyé les bras protecteurs et salvateurs de sa mère. 

   C'était ce qu'il me fallait. Elle m'aida à me relever. Nous n'avons pas parlé. Elle m'a conduite dans une clinique, en dehors de la ville. J'ai passé quelques examens. Résultat : multiples contusions et deux côtes fracturées. Je m'en sors bien dans mon malheur. Pas besoin d'hospitalisation. Si j'en avais eu besoin, j'aurais sûrement refusé. J'avais beaucoup trop peur que mon mari découvre que j'avais vu un autre médecin, en dehors de lui. Il avait pour habitude de soigner les blessures qu'il infligeait, telle une rédemption pour lui et un pardon pour moi. J'étais donc rassurée de ne pas rester. J'ai aussi refusé de voir un psychologue ou de donner des détails sur ce qui m'était arrivée. Le personnel est loin d'être dupe, ils avaient parfaitement compris, je le savais et je me suis tue pour le couvrir, une fois de plus. 

   En sortant, de la clinique, la mère de Lina me tend un nouveau téléphone et me dit :

   — C'est ton nouveau téléphone avec un nouveau numéro, ton passeport et ton sac à main.

   Je l'ai regardée avec stupeur, ne comprenant pas pourquoi elle me les donnait.

   — Tu as accès à une nouvelle adresse mail. En ouvrant tes mails, tu y trouveras un billet pour New York dans deux heures. Ça me laisse le temps de te conduire jusqu'à l'aéroport. Je resterai avec toi, jusqu'à ce que l'avion décolle. Lina t'attend là-bas, avec une nouvelle garde robe. Mais elle comme moi, nous ne pouvons pas t'obliger à partir. C'est à toi de décider et seulement à toi. On a entendu ta voix, ma puce, on a entendu ton appel à l'aide. Laisse-nous t'aider. poursuivit-elle, sur un ton calme tout en caressant mon visage, en essuyant mes larmes, au passage. 

   Son geste était plein de bienveillance et son regard aussi.
Je me souviendrai toute ma vie de ce jour-là, de ses mots. Quelqu'un m'avait enfin entendu. Ce souvenir, me remplit encore de larmes et je suis pleine de reconnaissance pour ces deux femmes qui m'ont tant aidée quand j'en avais le plus besoin. Mais ce jour-là, je n'ai pas pu réprimer la culpabilité de laisser mon mari.