Candice
C'est le jour-j. Evan est très élégant. Sa chemise blanche à fine rayure lui donne une allure classique et décontractée. Je ne peux m'empêcher de le trouver très beau. Il m'a demandé de l'accompagner pour son rendez-vous. Je ne suis pas sûre qu'il y ait un intérêt à ma présence. Il n'a pas manqué d'arguments pour me persuader du contraire. J'ai fini par capituler. J'ai senti que c'était important pour lui.
Il me tend sa convocation. Je commence à lire. Mes yeux s'arrêtent. Je relis. Encore et encore. Mes mains se crispent sur le papier. Ma gorge devient sèche et mon souffle court. Je sens mes larmes montées ... Ce n'est pas possible ... c'est un cauchemar ... Evan remarque mon émotion et abaisse la feuille avec sa main. Il m'interroge du regard. Je me ressaisis. Je dois garder la face. Il ne doit rien savoir.
— Excuses-moi, je suis un peu ému par ce rendez-vous qui se concrétise. J'ai beau être professionnelle. Ton histoire me touche.
— Ne sois pas si émotive ... ce n'est qu'un rendez-vous ... le chirurgien n'a pas totalement accepté et moi non plus.
— S'il accepte, tu dois le faire.
— Et s' il échoue ?
— Tu auras tout tenté. Tu n'auras pas de regrets.
Evan ne semble pas convaincue. Je ne suis pas rassurée. Je ne parviens pas à trouver les mots d'encouragement qu'il espère. Je ne peux pas ignorer ce que je viens de lire. Je ne peux pas me défiler à la dernière minute pour autant. Je vais devoir me rendre à cette entrevue. J'arriverai à faire face. Je dois y arriver. Il n'y a pas d'autre issue.
Nous arrivons à l'hôpital. Le médecin qui suit Evan nous accueille. Il nous annonce que le chirurgien nous attend dans son bureau. Il se dirige dans le couloir et s'arrête à une porte. Frappe et l'ouvre. Il s'annonce et commence à entrer. Evan amorce son fauteuil pour le suivre. Je tends ma main tremblante et attrape son épaule. Je tente discrètement.
— Je t'attends dans la salle d'attente.
Il attrape ma main. Je sens sa nervosité sous ses doigts.
— Tu plaisantes? Tu me suis jusqu'au bout. J'ai besoin de toi !
J'aurai essayé. Il reprend son chemin et entre dans la pièce. Les deux chirurgiens discutent. J'entre à mon tour. Il ne me remarque pas. Il est debout et plaisante avec son confrère. Il finit par diriger ses yeux vers Evan et lui serre la main. Ils se présentent tour à tour. Evan se tourne vers moi et me dévoile. Sa main se fige un instant. Il est surpris mais se reprend rapidement.
— Heureux de vous voir.
Il me tend sa main. Le contact de sa paume sur la mienne me tétanise. Mon corps entier se contracte.
— Moi ... moi aussi.
La peur est palpable dans ma voix. Je m'installe tremblante sur la chaise à côté d'Evan. Son médecin se retire. Je suis si nerveuse que je commence à chiffonner la convocation entre mes mains. Evan le remarque et m'arrête en posant sa main sur mon genou. Je sors de ma torpeur et me mets une gifle mentale. Il faut que je reste digne. Dans un élan de courage, je fixe mon adversaire. Son regard glisse sur la main d'Evan toujours sur mon genou. Le regard qu'il me lance me renvoie des mois en arrière. Mon assurance et mon courage m'abandonnent mais je suis déterminée à ne rien laisser transparaître. Je m'évertue de le toiser du regard. Il se reconcentre sur evan sans oublier son sourire rassurant. Je sais qu'il n'en est rien. Son rictus désapprobateur le trahit. Il explique à Evan tous les tenants et tous les aboutissants de sa future opération. Je n'arrive pas à me concentrer sur la conversation. Evan l'écoute avec attention. Il se tourne vers moi un instant et me souris. Il semble convaincue. Je l'espère de tout cœur. Je veux qu'il se fasse opérer. Je sais également qu'il va accepter de l'opérer. Je refuse d'être un obstacle à sa potentielle guérison. Evan mérite de remarcher. Je réprime un pincement au cœur. Ce dernier bat à une allure hors norme. J'ai les mains moites. Je fais tout pour ne rien laisser transparaître mais c'est difficile. Je ne veux montrer ma peur à personne. Je ne veux pas lui faire ce plaisir. Mon tourment scrute mes gestes. Je sens son regard sur moi. Après tout ses mois à le fuir ... je ne peux pas croire que le seul chirurgien capable d'opérer Evan se soit lui ... François De Paragaise ... aka FDP ... mon mari !
L'entretien se termine. Evan s'avance vers la sortie. Je m'apprête à en faire de même quand François me stoppe.
— Vous avez bien fait de venir. Je vais libérer Evan. Nous allons pouvoir poser la conduite à tenir post opératoire de M. Mckenna. J'admire votre implication, peu d'infirmières assistent aux rendez-vous médicaux de leur patient.
Son regard se veut prédateur mais je ne serai pas sa proie. Une voix répond dans mon dos.
— Elle est exceptionnelle, j'ai beaucoup de chance de l'avoir. Je vous laisse discuter compresse et pansement. Je t'attends dans le couloir, Candice.
Les narines de mon mari se dilatent malgré son sourire de composition. Je le connais. Il est énervé par les paroles d'Evan. Ce dernier ne sait pas qu'il a attisé la jalousie du diable. J'attends son courroux. Evan sort. Moi, je reste là. Paralysée par la peur mais je garde la tête haute. Je regarde mon mari contourner le bureau. Il se rapproche avec la lenteur d'un félin. Il se place devant moi en me dominant de toute sa hauteur. Mon cœur s'arrête un instant mais je ne faiblis pas.
— Je constate que tu ne baisse pas les yeux. Ce n'est pas grave ! Tu finiras par reprendre nos habitudes. Alors, ma douce Candice, c'était donc là que tu te cachais. Je n'ai même pas eu d'effort à fournir. Tu es venue à moi toute seule. Et tu reviendras avec moi seule.
— Je ne reviendrai jamais !
La véhémence de ma voix me surprend. Un sourire provocateur se dessine sur son visage. Il n'est pas satisfait par ma réponse mais il semble sûr de lui.
— Tu crois que tu peux me défier ? Encore ?
Il attrape ma gorge dans sa main et exerce une légère pression dessus et poursuis. Son ton est dur et rempli d'une rage qu'il contient.
— J'ai passé ces derniers mois à te chercher partout. Tu sais quoi ? Personne ne s'est rendu compte de ton absence. Tu es tellement insignifiante. Ma pauvre Candice. Tu ne vois même pas que c'est le cas pour lui aussi.
Il resserre légèrement son emprise et rapproche son visage du mien. Je sens son souffle chaud sur ma bouche. Je tourne la tête. Je ne veux pas qu'il m'embrasse. Il rattrape mon visage dans sa main. La peur m'envahit et me trahît. Il sourit de satisfaction.
— Tu reviendras avec moi à paris quand j'aurai opéré ton petit protégé. Sais-tu pourquoi ? Parce que si tu ne reviens pas ses chaussures continueront à rester neuves à ses pieds.
Mes yeux s'arrondissent. Il ne peut pas faire ça.
— Au cas où, tu n'aurais pas bien saisi. Si tu ne reviens pas. Il ne remarchera jamais. Tu sais pertinemment que j'ai le talent et l'expérience nécessaire pour lui accorder cette grâce. A toi de réfléchir.
Il relâche son emprise et continue de me fixer. Je reste interdite. Il vient de détruire mon dernier barrage. Il a compris ma faiblesse. Il me sourit, triomphant de sa victoire.
— Non, François je t'en prie. Tu viens d'accepter l'opération.
— Il est si simple de l'annuler pour un quelconque paramètre. Tu le sais très bien.
Je recule de quelques pas en baissant la tête. Il vient de me soumettre. Il a toujours ce pouvoir sur moi. Je ne lutte plus. Je suis vaincue.
— D'accord murmurais-je. Je reviendrai à Paris avec toi quand tu l'auras opéré.
Il me caresse la tête délicatement comme il le ferait pour un chien.
— Sage décision. Il a raison. Il a de la chance de t'avoir. L'opération est dans deux semaines. Tu as ce délai pour inventer un prétexte pour te rendre à Paris. Ne t'avises pas à informer qui que ce soit que tu pars avec moi. Tu connais le proverbe. Pour vivre heureux, vivons cachés . Il n'a jamais été aussi vrai.
Je marche jusqu'à la porte. Je veux sortir de cette pièce devenue bien trop étroite. Je pose ma main sur la poignée. Il interrompt mon geste en m'appelant.
— Candice ! Je me retourne. Souris ma douce. Je m'exécute. J'ai hâte que tu reviennes, tu verra j'ai changé.
*
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La peur ne se fuit pas ... {terminée}
Roman d'amourCandice vit à Paris. Evan vit à New York. Une rencontre fortuite dans un avion plein de promesses mais manquées... ils ne se sont plus jamais revus. Quatre ans plus tard, leurs chemins se recroisent. Les épreuves de la vie les ont changées. Candice...