Chapitre 25

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Candice

   La vie ne m'a que très peu épargné durant toutes ces années. J'ai toujours lutté sans faille mais avec lui c'est trop dur. Il m'anéantit toujours un peu plus. Mon retour à Paris était presque idyllique. Sorties, restaurant, cadeaux en tout genre. Il a tout fait pour rattraper mon coeur et contrôler au mieux mon esprit. Il était doux et patient comme à nos débuts. J'ai presque cru à son changement mais mon coeur ne bat plus pour lui. Evan me manque. Ma vie à New York me manque. Il a fini par se rendre compte que tous ses efforts étaient vains. Je ne parle presque pas. Je ne crois plus en notre histoire. Il a perdu le contrôle lorsque je me suis refusée à lui et mon calvaire a recommencé. Les paroles d'abord puis les coups lorsqu'il s'est aperçu que je discutais toujours avec Evan. J'ai été discrète lors de nos échanges mais François a repris le contrôle de mon téléphone. Il s'excuse lorsque son comportement déborde comme il aime le dire, chose qui ne lui arrivait jamais avant. Je ne suis pas sûre que ce soit un véritable progrès.

   Je sors de la douche et m'observe dans le grand miroir. Des bleues recouvrent mes bras et mon buste. Les coups ont la même ardeur qu'avant mais j'ai lutté plus fort au début. Dans mes élans de courage, je lui ai tenu tête mais la férocité de sa violence a fini par l'emporter. Je caresse mes avant bras meurtris et les recouvre d'un tee shirt à manches longues. J'ai honte de ce qu'il me fait subir et de ne pas avoir plus de force pour lui faire face mais j'ai conscience qu'il en va de ma survie. Je connais ses limites et celle de mon corps. Il a avalé toute sa colère auparavant et la peur finit par prendre le dessus. À trop le provoquer, j'ai réveillé ses vieux démons. L'accalmie a été de courte durée. J'enfile un pantalon large et bien que j'ai beaucoup maigri depuis un mois, les jeans trop serrés sont prohibés. Première raison, ils dessinent trop les courbes de mon corps. La deuxième, ils compriment les ecchymoses douloureuses de mes jambes. Chassez le naturel, il revient au galop !J'ai fini par bloquer le numéro d'Evan. Ses appels m'étaient mon mari dans un état de colère proche de la cruauté. Je ne réponds plus aux appels de Lina non plus. Je n'ai pas la force de lui mentir, c'est plus facile par message. Un mois que je suis revenue et tout est redevenu comme avant. Sa colère, ses coups, son regard et ma peur ! J'ai arrêté de l'affronter, ça fait trop mal ! Je n'ai plus personne pour m'aider.

   François surveille chaque appel et chaque message de près. Je suis contrôlée comme une enfant. Une simple marionnette qui ne réagit qu'à ses mouvements. La réalité de la situation me fait plus mal que les coups qu'il me donne. La violence de ses paroles sont de véritables couteaux qu'il plante un peu plus profondément dans mon cœur. Mon corps survit mais mon âme se meurt un peu plus chaque jour. Je ne m'alimente que très peu depuis mon retour, j'ai perdu beaucoup de poids. Je ne suis plus rien ! J'aimerai disparaître ! Je sens cette flamme en moi s'amenuiser, seule mes pensées vers Evan et les messages de Lina me ramènent à la douceur de la vie mais je sais également que cette vie là n'est plus pour moi.

   Cependant, une part de moi continue d'espérer et m'interdit d'écouter mes idées noires. J'ignore d'où me vient cet espoir. Il n'est pas grand mais il est là et il me crie de sa petite voix de continuer la vie parce qu'elle en vaut la peine. Certains jours, il m'est plus difficile de l'entendre mais elle parvient à refaire surface malgré tout. Je m'accroche à ce semblant de vie. Je m'accroche à cet espoir. Je veux qu'on entende ma voix, je sais qu'il est possible de vivre autre chose que cet enfer. J'aimerai revenir à ma vie à New-York, des gens m'aiment et m'apprécient la bas. Je n'ai plus ma place ici mais je n'ai pas la solution pour réussir à m'enfuir loin de cet homme qui me terrifie tant. J'essaie de réfléchir mais ma peur me tétanise. Il finira par me retrouver et cette seule pensée me dissuade instantanément. 

   Contrairement à la peur, l'espoir disparaît parfois. Il n'est pas un fidèle compagnon. Je l'aime et le déteste pour ça. Lorsqu'il est présent, je me dis que tout est possible et que je pourrai un jour sortir de cette situation désastreuse. Je crois et ose désirer une vie meilleure. Je sais qu'elle est possible sans lui. New-York me l'a prouvé plus d'une fois. Il y'a des gens bons sur Terre ! En revanche, quand il me quitte, il me noue l'estomac et mes pensées divaguent vers de sombres chemins. Je me dis que mon combat quotidien ne sert à rien. Je ne partirai jamais. Il faudrait que je disparaisse totalement pour être débarrassé de cette vie qui n'en est pas une. Je dois composer chaque jour avec cette dualité qui me ronge et c'est difficile de ne pas tomber vers cette facilité qui règlerait tous mes problèmes. Tout serait plus simple ainsi. Je trouverai cette paix intérieure qui me manque tant. Une liberté éternelle sans tourment mais il y a cette envie de vivre et cette peur de mourir qui ne me quitte pas. J'ignore pourquoi. Je ne me suis jamais sentie aussi seule et désemparée. 

   Je regarde par la fenêtre de ma prison dorée et mes pensées s'envolent vers Evan. J'aimerai le voir marcher. Aux dernières nouvelles, il progresse rapidement. J'aimerai tant l'accompagner dans son rétablissement mais si je n'étais pas ici, il n'aurait jamais connu cette joie de retrouver ses jambes. Je souris à cette idée. J'aime qu'il soit heureux de ses progrès. J'ai apprécié qu'il me les partage. Ses messages et ses appels étaient une véritable source de bonheur pour moi. J'adore entendre sa voix. Elle est devenue calme et apaisée. Il l'ignore mais l'entendre m'a tant aidé à tenir le coup ici. J'ai adoré le découvrir plus heureux. Je sens mon sourire s'élargir et des bruits de pas derrière moi. Je me fige et reprend un visage neutre.

   — Tu penses encore à lui, n'est ce pas ?

   Son ton est glacial. Je me retourne calmement et constate que son regard l'est tout autant. J'essaie de garder ma neutralité.

   — Il fait beau aujourd'hui, je me disais que j'irai bien jardiner un peu.

    Il se rapproche de moi jusqu'à ce que nos corps se touchent. Un frisson me parcourt.

   — J'ai une pause de deux heures avant de repartir, j'avais d'autres projets.

   Sa main qui se balade sur mon épaule ne laisse place à aucun doute. Mon pouls s'accélère et mes muscles se crispent. Je ne sais pas comment m'en sortir. Son téléphone se met à sonner. Je me mets à espérer une urgence pour qu'il reparte. François rejette l'appel et continue à parcourir mon corps. Quelques secondes plus tard, son téléphone sonne à nouveau. Il regarde l'écran, souffle, me fait signe de patienter, s'éloigne et répond. Mes épaules s'affaissent. Le soulagement n'est que de courte durée quand je le vois revenir. J'attends la sentence.

   — Je vais devoir remettre mes projets avec toi à plus tard, je dois retourner à l'hôpital.

   Il attrape ma nuque et me rapproche de lui et m'embrasse. Je fais taire mon dégoût. Il pose son front sur le mien.

   — Ne me prends pas pour idiot, Candice ! Je sais que tu pensais à lui et je compte bien effacer de ta mémoire chacun de tes souvenirs avec lui. Ta vie est avec moi ! TU ES À MOI ! TU AS COMPRIS ! Je ne te laisserai jamais à un autre ! JAMAIS ! J'ai besoin de toi !

   Sa voix tremble et je lis pour la première fois de la peur dans ses yeux. Il sent que mon esprit lui échappe et que mon cœur ne lui appartient plus. Je ne le provoque pas davantage bien que ce n'était pas ma volonté. Je baisse les yeux et me tais. Je ne veux pas encore éveiller sa jalousie. J'ai beau faire profil bas, il me plaque violemment contre le mur et m'assène une gifle qui fait siffler mon oreille. Il attrape mon menton et relève mon visage.

   — Tu veux me rendre dingue ? C'est ça ? C'est ton but ? Tu m'appartiens, Candice ! C'est le dernier avertissement !

   Ma main sur ma joue, je le regarde avec stupeur, abasourdie par son geste. Je ne sais ni quoi dire, ni quoi faire. Peu importe ce que je peux dire ou faire, je n'aurai pas le bon comportement. Il attrape ma main et la retire. Il prend ma pommette avec sa main, la caresse et m'embrasse avec désespoir, colère et passion. Je ne pensais pas lui inspirer tant de sentiment et culpabilise de le tourmenter. Je sais que ce n'est pas ma faute et que son comportement n'est pas normal mais je me sens responsable de sa détresse. Je le sens m'accabler dans son baiser. J'ai pensé aimer cet homme durant toute ses années mais j'ai réalisé que ce n'était pas de l'amour durant ma vie américaine. Ce n'est pas ça aimer. Ce n'est pas contrôler l'autre, ce n'est pas lui faire peur. C'est vouloir son bonheur ! C'est le voir heureux malgré notre absence et en être satisfait. C'est le sentiment que m'inspire Evan et je n'arrive pas à le contrôler. Cette maigre satisfaction rend François incontrôlable. Ce n'est pas moi ! Il se rend compte qu'il m'a perdu même si je suis avec lui, ici à Paris. Son désespoir me glace le sang. Il se détache de moi et je le regarde s'éloigner. La porte claque et je me retrouve à nouveau seule dans la chambre. Il dévale les escaliers. Quelques secondes plus tard, j'entends les pneus crisser sur l'asphalte de l'allée. Le silence emplit la pièce et je m'écroule sur le sol. Je suis soulagé par son départ. Pourtant, je sais que je ne suis qu'au début de ce long tunnel lugubre où la seule lumière au bout est de savoir Evan épanouie.

*

La peur ne se fuit pas ... {terminée}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant