La femme elaniyenne

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Siham

Je rêvais.

J'en étais persuadée mais pourtant, cela ne m'empêchait pas de ressentir pleinement chaque émotion provoquée par la scène qui se déroulait devant mes yeux.

Un jeune couple dansait, leurs visages masqués ne laissaient apparaître que leurs yeux, perdus dans le regard de l'autre. Les mains de l'homme étaient serrées sur la taille et l'épaule de sa partenaire, froissant le tissu précieux de sa robe. Une robe magnifique, d'un vert sombre aux reflets dorés assortis à ses longs cheveux. Elle tournoyait avec une telle grâce que ses pieds semblaient flotter au dessus du sol, ses doigts enlaçaient tantôt le cou de l'homme tantôt sa taille ou ses mains robustes. Des mains brunes, aux cals durcis par le maniement des armes et aux ongles courts.
J'avais appris à reconnaître les mains des soldats, les mains menaçantes, dangereuses.

Le son de la musique sur laquelle ils valsaient m'était inaccessible mais chacun de leurs pas étaient si coordonnés et précis que la mélodie se lisait dans leurs mouvements. Ils étaient beaux, intimidants et gracieux, ils dégageaient ce que seul un couple royal en était capable. A vrai dire, j'étais persuadée que n'importe quel imbecile aurait deviné ce que les deux cercles dorés qui reposaient sur leur tête signifiaient. Je me tenais devant la scène d'une union royale.

Et pourtant, quelque chose n'allait pas.

Je n'aurais su dire exactement quoi, mais quelque chose dans le regard de l'homme, les caresses de la femme et le rythme effréné de leur danse me dérangeait profondément. En réalité, je n'avais pas l'impression que c'était l'amour ou le désir de nouveaux époux qui illuminait l'éclat de leurs iris mais une émotion dépourvue de toute douceur, tempétueuse, sauvage.

Lentement, la salle et les deux danseurs se retrouvèrent enveloppés d'une épaisse fumée noire et je les perdis de vue tandis que leurs silhouettes gracieuses étaient remplacées par celles de hauts murs rocailleux et de sombres nuages gris, lourds de pluie.

L'arène et son sinistre labyrinthe me revinrent alors comme un mauvais souvenir et je grognai en me redressant sur un coude.

Je retombai aussitôt, transpercée par la douleur et baissai les yeux sur mon bras blessé en grimaçant.

La chair déchiquetée était couverte par une large bande de tissu relativement propre qui, malgré l'odeur pestilentielle de la boue et du sang dont j'étais couverte, dégageait un léger parfum de fleur.

Je fronçais les sourcils. Je ne m'étais pas attendue à me réveiller en vie alors de là à retrouver mon bras lavé et pansé... Je devais être passée d'un rêve à un autre plus étrange encore. Était-ce à cela que ressemblait le sommeil éternel de la mort ? Une succession de rêves tous plus improbables les uns que les autres ?

-Vous êtes réveillée !

Cette fois-ci, je sursautai et manquait de m'appuyer à nouveau sur mon bras blessé afin d'apercevoir la source de la voix qui venait de m'interpeller.
Mais je n'en eu pas besoin.
Des pas s'approchèrent et bientôt, un visage se découpa devant mes paupières papillonnantes, masquant le ciel gris au dessus.

Un visage que je reconnus.

La jeune Elaniyenne se penchait sur moi, les sourcils froncés et les traits figés en une mine inquiète.

Alors tout me revint.

Le monstre, le gamin d'Astia, le colosse d'Alem et la belle Sofiya.

Sofiya... J'avais presque oublié comme son nom était à lui seul un assortiment de lettres et de syllables rappelant la douceur du miel et d'une chaude nuit d'été.

WardaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant